L’urgence de la « décroissance »

                    Un mot qui glace d’effroi les super-gavés

    Qu’est-ce que la décroissance ? À l’évidence c’est le contraire de la croissance.  En 1970, Sicco Mansholt (1908-1995), alors président de la Commission européenne, déclarait : « Pour nous, dans le monde industriel, diminuer le niveau matériel de notre vie devient une nécessité. Ce qui ne signifie pas une croissance zéro, mais une croissance négative […] L’incitation à la croissance n’est qu’un objectif politique immédiat servant les intérêts des minorités dominantes ». La croissance relève donc d’une idéologie.

    Décroissance n’est qu’un mot. Mais déjà, le terme est mal choisi et négatif pour tous ceux qui, fondamentalement ne peuvent imaginer qu’ils seront un jour amenés à restreindre leur consommation, à vivre dans un autre système que celui qu’ils connaissent. Un système basé exclusivement sur le profit pour quelques-uns.

    Depuis la fin de la dernière guerre mondiale, les « chers électeurs » ont tellement été endoctrinés par les prédicateurs de la croissance, que ce mot représente un véritable mythe, une sorte de divinité. On leur a tellement inculqué d’être positif, qu’ils considèrent tout ce qui est jugé négatif comme horrible. Ainsi ils sont donc incapables, et pour un homo sapiens c’est un comble, de se rendre compte que la croissance économique poursuivie avec acharnement par tous les pays, risque d’entraîner des catastrophes écologiques irréversibles. Le problème, c’est que le système économique sous lequel nous vivons, parce qu’il est justement basé sur le profit, a toujours besoin de croître pour ne pas sombrer dans la crise ! Si tous les décideurs industriels et politiques ne veulent pas entendre parler de décroissance, refusent de voir la réalité, c’est qu’ils ont une peur panique de la crise. Rappelons-nous les images de ces documentaires où, ce fameux « Lundi noir » de 1929, l’on voit des cadres de Wall-Street se jetant par la fenêtre de leurs bureaux !

    Plutôt que la crise, ils préfèrent toutes les pollutions, toutes les catastrophes liées au climat de par le monde. Pourtant la crise est inéluctable.

  Voici ce qu’écrivait Hans Jonas à la fin des années 70 :

    « En moyenne mondiale nous ne [pouvons] plus nous permettre un accroissement de la prospérité… »

    « Pour les pays développés, cela signifie des renoncements, car l’ascension des pays sous-développés peut seulement se faire à leurs dépens… [La prospérité des Etats-Unis et de l’Europe] qui consomment une partie bien trop grande des ressources mondiales pour leur style de vie dilapidateur, devra subir une restriction sensible, que ce soit librement ou sous la contrainte de la lutte des classes des peuples... » Le Principe Responsabilité, page 305.

    Si le quart de la population mondiale qui dispose d’un bon niveau de revenu a réussi en peu de temps à épuiser la terre, que deviendra celle-ci sous le joug de dix milliards de prédateurs ?

Joseph Veillard, auteur de La société cancérigène, rappelle que l’Américain moyen consomme chaque année 4 tonnes de pétrole (les États-Unis représentent 5% de la population mondiale et consomment le quart de la production de pétrole), 2,3 tonnes de gaz, 2,5 tonnes de charbon et 5 grammes d’uranium rejetant ainsi dans l’atmosphère plus de cinq tonnes de gaz carbonique. Ainsi, 5% de la population mondiale absorbe 25% de la production globale d’énergie. Plus généralement, 20% de la population consomment 80% des ressources naturelles de la  planète. Que deviendra celle-ci lorsque la Chine, l’Inde, l’Afrique et d’autres pays aujourd’hui pauvres, auront accédé au même niveau aberrant de consommation ? Pour répondre à une telle demande il nous faudra quatre planètes (si 20% consomment 80%, 100% consommeraient 400%) !

    « En 2030 si les Chinois possèdent comme nous 3 voitures pour 4 personnes, ils auront 1 milliard 100 millions de voitures. L’ensemble du monde en compte aujourd’hui plus de 800 millions. La Chine consommera alors 99 millions de barils par jour. Aujourd’hui, l’ensemble du monde en produit 84 millions par jour et risque de ne pas pouvoir en produire beaucoup plus.

Ce que la Chine nous apprend très clairement, c’est que le modèle de l’économie occidentale centré sur le pétrole, l’automobile et le produit jetable ne peut pas fonctionner pour le Chine. Et si ça ne marche pas pour la Chine, alors ça ne marchera pas pour l’Inde qui d’ici 2030 risque d’avoir une population encore plus importante ; ni non plus pour les autres 3 milliards de personne des pays en voie de développement qui pensent eux aussi au rêve américain. Et tout ça, avec le constat que nous sommes de plus en plus impliqués dans une économie globale : même pétrole, même blé, même acier. Ça ne marche donc pas non plus pour nous, pays industrialisés ». (Interview de Lester Brown, président de « Earth Policy Institut » pour le documentaire Big Bang démographique, Arte, 27 mars 2007.

    Et pourtant ces pays ont quand même bien le droit d’accéder à un développement décent. Il faut donc dès maintenant que les nantis, acceptent des restrictions drastiques afin qu’ils fassent la moitié du chemin vers… la pauvreté. C’est bien cela qui chagrine justement ceux qui mentent de façon éhontée, en disant que la décroissance empêchera les pays pauvres à se développer. C’est bien évidemment le contraire, les pays industrialisés doivent arrêter de spolier les pays pauvres et les laisser se développer. Malheureusement, en ce qui concerne l’Afrique, il y a peu d’espoir que cesse sa mise à sac. Après avoir été spoliée par l’Europe, par les Etats- Unis et l’URSS, ils le sont  maintenant par la Chine et l’Inde. Qui se doute et s’inquiète en ce début de siècle, de ce que la Chine casse les prix pour intervenir partout en Afrique, en offrant ses compétences et sa technique, non contre des dollars, mais contre du bois, du pétrole et autres ressources minières ? Qui peut penser que les multinationales occidentales vont se laisser faire ? Une guerre économique des plus sanglantes se prépare par conflits locaux interposés, avec de plus en plus de misère à la clé… et du grain à moudre pour les ONG. Avant 2020, la Chine sera la première puissance mondiale devant les Etats-Unis ; les Occidentaux n’auront aucune compassion à attendre d’eux. D’une part, parce que les Chinois sont très éloignés de l’hypocrite culture judéo-chrétienne, mais surtout, ils n’oublieront jamais le mal que les colonisateurs leur ont fait. Leur revanche sera le résultat de notre karma.

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