Naître ou ne pas naître ?

« L’homme est un animal vulgaire puisqu’il y en a quatre milliards » Georges de Caunes (dans les années 70).

banlieue 1      Il s’agit de s'abstraire de cette société patriarcale, de n’avoir qu’un minimum de commerce avec elle, et de résister à la tentation de la réussite sociale. Ce système, arrivé à son apogée, a transformé les hommes en esclaves de la marchandise, en esclave de leurs envies artificiellement développées. Ce système, basé sur le profit, a redonné le pouvoir aux plus forts, aux cyniques (dans le mauvais sens du terme : ceux qui profitent de leur force, de leur savoir, de leur position, pour soumettre les autres). Ce système a entraîné le recul de la culture et de l’éducation et conséquemment le retour des obscurantismes, des guerres de religion, de l’insécurité, bientôt des grandes famines et des  épidémies.

    Les formes de pensées antique, taoïste et néo-gnostique, doivent nous permettre de résister aussi bien à l'idéalisme marxiste qu'au libéralisme. bidon1

    Il y a peu d’espoir pour l’humanité d’éviter son destin qui la ramènera à une dimension plus en rapport avec les possibilités de la planète. Que de malheurs et de souffrances en perspective !

    L’homme prétend aimer la vie mais il refuse d’admettre, avec sérénité, la cruauté des lois qui gèrent le monde vivant.

femme-enceinte     Un aveuglement programmé en chacun de nous par l’espèce, pour sa survie. N’y voit vraiment clair que celui qui comprend que pour lui il est déjà trop tard.

    Naître est irréversible (le suicide met fin à une douleur, mais c’est une nouvelle agression qui ne met pas fin aux douleurs passées et n’en supprime pas les causes).

    Et ne pas naître pour celui qu’on aurait pu mettre au monde, est la meilleure destinée possible.

    Ne pas naître ne dépend que de la lucidité du géniteur potentiel.

    Une suprême injustice.

    Pour un homme et une femme, donner la vie est la décision la plus grave de leur existence… Mais l’achat de leur voiture leur cause certainement plus d’embarras ! ! Comment peut-on être si profondément plongé dans l’oubli de l’immense tristesse de la condition humaine ?

Depardieu 1     « … Je voyais que les priorités n'étaient pas où il [Gérard Depardieu] croyait. Les vraies priorités c'était être présent, rassurer ses enfants. Sinon il ne faut pas les faire… »  Guillaume Depardieu, VSD du 7 novembre 2002.

    La plupart des animaux se sacrifient pour protéger leur progéniture. Le manchot reste plusieurs semaines dans le froid sans se nourrir, pour tenir au chaud son petit.

pauvre4     Plutarque (50-125) dans ses Œuvres morales concluait déjà à la supériorité des bêtes sur l’homme en ce qui concerne l’amour pour leur progéniture. Disons qu’il s’agit en fait de responsabilité ! Quelle leçon nous donnent les animaux !

Swift 1     Aucun dogme, aucun système, aucun dieu n’est capable de transformer l’enfer de cette terre, en un paradis pour nos rejetons, surtout depuis que les mâles ont usurpé depuis trop longtemps le pouvoir des Mères…

    « Notre espèce est la plus pernicieuse race d’odieuses petites vermines que la nature ait laissé ramper sur la surface de la terre. » Jonathan Swift (1667-1745).

    L’enfer est une réalité que nous pourrions décrire dans les moindres détails si nous avions des siècles devant nous.

    Le paradis en revanche n’est qu’un mot vide de sens.

    Personne ne peut tenter de le décrire sans paraître puéril ou débile.

Staline     Certains y voient un bordel divin habité de top-models soumises. Phantasme incontournable des cervelles lobotomisées par le Patriarcat. Quelle dérision !

    Des rêveurs naïfs ont imaginé un monde sans exploitation de l'homme par l'homme ; en voulant réaliser cette utopie, d’autres ont créé un enfer pire que tous ceux qui avaient existé jusque là.

    « Ce qui a toujours fait de l’État un enfer sur la terre, c’est que l’homme a voulu en faire son ciel. » Frederich Hölderlin (1770-1843).

   « Le mal que font les hommes vit après eux; le bien est souvent enterré avec leurs os. »  William Shakespeare (1564-1616), Jules César.     

Epicure 1     La proximité d'Épicure et de Bouddha est remarquable. Il s’agit pour l’un comme pour l’autre, de faire des efforts pour échapper à la servitude des appétits. Il n'y a jamais d'apaisement et de satisfaction durables aux désirs non maîtrisés. L'impossibilité de la réitération permanente du plaisir engendre le manque et la frustration, donc la souffrance.

    Même technique, même méthode. Il ne s'agit pas de combattre des forces qui nous dépassent ( elles sont inhérentes à la vie, à la survie de l'espèce ) mais de prendre conscience de nos propres illusions.

    Pour les philosophes idéalistes, Épicure se réfugie en son jardin et préfère la communauté de ses amis à celle des citoyens. Mais puisque le salut consiste en l’absence de troubles, pourquoi se livrerait-il aux troubles et aux turbulences de la vie politique ?

H 1     « Il faut nous libérer de la prison des affaires et de la politique. » Épicure.

À la fin de sa vie, Sigmund Freud aurait dit : « J’ai perdu mon temps, la seule chose importante dans la vie, c’est le jardinage ».

Certes, notre monde n’a plus rien à voir avec celui d’Épicure, ni même avec celui de Freud, aujourd’hui, les erreurs de quelques uns, même au bout du monde, nous concernent tous.

    Il faut donc accepter ce qui est, avec le quiétisme naturaliste de la sagesse taoïste. L’ascèse des sages du taoïsme tend vers un idéal de vie naturelle et de liberté pure. Ils recherchent la sainteté avec un tel désintéressement, qu’ils n’ont en aucune façon l’idée d’en profiter eux-mêmes, pas plus que d’en faire bénéficier les autres. Pour eux, nul n’est véritablement saint s’il laisse une trace. Il est remarquable qu’également pour Jésus, celui qui a sa récompense sur terre, ne l’aura pas au ciel.

   Tchouang 1   « L’essence du Tao consiste à bien régir sa personne ; son résidu consiste à régir la principauté ; son ordure consiste à régir le monde entier. »  Tchouang-tseu.

    Depuis que l’homme pullule et que la science et la technique sont à son service, comme l’a montré Hans Jonas, son impact sur la nature est colossal, et c’est bien l’Ordure du Tao , c’est-à-dire son contraire, qui gouverne le monde !

C’est pourquoi il est bien tard.

    Lorsque les femmes auront retrouvé leur essence, c’est à dire leur sens inné de l’organisation du vivant, et qu’elles auront réussi à le faire partager aux hommes, alors enfin la vie vaudra d’être vécue et il sera alors opportun d’avoir des enfants, dans le cadre d’un contrôle des naissances qu’elles jugeront utile. En attendant ce temps, que les optimistes jugeront proche et les pessimistes peu probable, soyons des darfour2 objecteurs de croissance et de procréation. Le monde de demain, si rien ne change, sera le plus souffrant de tous les temps, ne serait-ce que par la multitude des êtres humains concernés et la puissance de leurs forces prédatrices.

Remettons à l’ordre du jour la menace vite oubliée de Déméter* après que le Dieu mâle et patriarcal eu enlevé sa fille Perséphone  (l’Ereshkigal sumérienne)  pour la soumettre et la violer :

« Eh bien, si tel doit être le destin naturel des filles, que périsse toute l’humanité. Qu’il n’y ait plus ni récolte ni grain ni blé si cette jeune enfant ne m’est pas rendue. »

* « Déméter, dont le nom veut dire la Mère divine, la mère universelle, était la plus ancienne des divinités grecques, puisque les Pélasges d’Arcadie l’honoraient déjà sous la figure d’une déesse à tête de cheval, tenant une colombe dans une main et un dauphin dans l’autre, signifiant par là qu’elle avait enfanté à la fois la faune terrestre, les oiseaux et les poissons. Elle correspondait donc à ce que nous nommons la Nature. […]

Ce n’est pas seulement la nature avec ses figures visibles, c’est tout le mystère de sa puissance créatrice et de ses perpétuels enfantements que le nom sacré éveillait en lui [le grec de cette époque]… et l’homme avait le sentiment d’être le fils légitime de cette mère. » Édouard Schure, L’évolution divine du Sphinx au Christ.

fécondation 1 Et que les femmes et les hommes conscients fassent la grève de la procréation, jusqu’à ce que la parole soit redonnée aux femmes.

    Mais aucune  religion, aucun pouvoir politique ne supporte que l’homme choisisse lui-même de faire naître ou ne pas faire naître ; si un couple  a quelques appréhensions, quelques doutes, la société le rappelle à l’ordre. Les parents, les amis, sont les intermédiaires qui ne cessent de le questionner, de le harceler avec ses « pourquoi n’avez-vous pas d’enfant ? », comme s’ils n’étaient pas normaux. Dans le courrier de la presse féminine, certaines lectrices s’inquiètent que leur compagnon ne veuille pas avoir d’enfant, ou se sentent elles-mêmes coupables de ne pas en désirer ; le discours de la « conseillère » est toujours le même : « Il s’agit d’un blocage profond qu’il serait bon de dénouer par une psychothérapie ». 

    Quant à l’État, il continue à subventionner la procréation dans un monde surpeuplé. engrais 1 Les naïfs et tous les endoctrinés vous disaient encore hier, que la planète, grâce au progrès, grâce à la science et à la technique pouvait nourrir dix milliards d’humains. Et en effet, c’est bien ce que produit l’agriculture mondiale aujourd’hui, mais sa répartition délirante fait que le tiers de l’alimentation produite est gaspillé ou jeté, et bien autant surconsommé par des obèses qui devraient s’abstenir. pesticides 4 Mais ce qui est grave c’est aussi que cette production ne peut atteindre cette quantité sans les ravages scandaleux qu’elle entraîne avec la ruine des sols par les apports faramineux d’engrais chimiques et de pesticides, et par l’énorme consommation d’eau qu’elle nécessite ; de l’eau qui va bientôt manquer à tous, et surtout aux plus pauvres.

« Si un contrôle effectif des naissances avait été mis en place dès 1975, on aurait pu éviter la mort prématurée de plus de 500 millions d’enfants pendant les cinquante prochaines années.» M. Mesarovic et E. Pestel, Stratégies pour demain (deuxième rapport au Club de Rome).

décroissance 1     Les écologistes et même les « objecteurs de croissance » bon ton et humanistes à souhait, qui n’osent parler de la surpopulation de la planète, sont de dangereux hypocrites. Pour eux, « il n’y aurait pas trop d’humains sur Terre, mais trop d’automobiles. » Casseurs de pub n°39. Mais qui va décider de qui a droit à une automobile ?

Pendant que par démagogie l’on refuse d’écouter les sages, la surpopulation s’accroît encore. Dans Le Féminisme ou la mort (1974), Françoise d’Eaubonne cite ces mises en garde. Près de quarante ans plus tard, il est évident que la seule sagesse ne peut rien contre le monde du « Profit » :

 

« Je ne voudrais pas être un oiseau de malheur, mais des informations dont je dispose en tant que secrétaire général, une seule conclusion s’impose : les pays membres de l’O.N.U. disposent de dix ans pour mettre de côté leurs querelles et pour s’engager dans un programme global d’arrêt de la course aux armements, d’assainissement du milieu, de contrôle de l’explosion démographique. Dans le cas contraire, il est à craindre que les problèmes mentionnés aient acquis une telle dimension que nous ne pourrons plus les contrôler. »

Déclaration faite en 1969 par U Thant, Secrétaire Général de l’O.N.U.

 

« Tous les accords du monde resteront inutiles si le problème fondamental n’est pas affronté carrément. Toute la pollution terrestre a une cause : l’homme. Or la population mondiale aura doublé bien avant l’an 2000. Peu importe la quantité de solutions ingénieuses que la science aura pu trouver pour y faire face, la pollution fera partie de la vie. Nous serons comme des lapins en cage, avec une ration de nourriture limitée, vivant dans nos propres ordures, proliférant à une vitesse démentielle et menant un combat forcené pour l’eau et les aliments afin de rester vivants. »

Le Courrier de l’Unesco Août/Sept. 1971.

Pour Michel Tarrier dans Faire des enfants tue,  « on parle de surpopulation lorsque la population n’arrive pas à vivre correctement, saccage l’environnement, tarit les ressources, menaçant ainsi son avenir ».

Dans les cinq cents pages du très beau livre « STOP », de Bartillat Laurent de et Retallack Sim, aucune réflexion sur la démographie galopante.

    Les « objecteurs de croissance » et les anti productivistes  font régulièrement référence à Nicholas Georgescu-Roegen, Serge Latouche ou Bernard Charbonneau, mais on peut se demander s’ils les ont bien lus 

roegen « Il est absolument hors de doute, compte tenu de la pression de la population dans la plus grande partie du monde, qu’il n’y a pas de salut face aux calamités de la sous-nutrition et de la famine sinon dans le remplacement de la productivité de la terre cultivée, par une mécanisation accrue de l’agriculture, par une utilisation accrue des fertilisants et des pesticides chimiques et par une culture accrue de nouvelles variétés de céréales à hauts rendements. Toutefois, contrairement à l’opinion sans nuance généralement admise, cette technique agricole moderne constitue à long terme une orientation défavorable à l’intérêt bioéconomique fondamental de l’espèce humaine. » La décroissance, p 137.

Latouche 1 Et Serge Latouche : « La surpopulation entraînée par les progrès de la médecine engendre le danger de famine qui peut être résolu par des techniques biologiques et chimiques miracles, mais au prix de la nécessité d’apprendre aux gens à manger n’importe quoi. » La Mégamachine.

Quant à Bernard Charbonneau :

charbonneau 1 « … Rien ne nous assure que la multiplication de la population, associée à la l’augmentation indéfinie de la production, ne nous menace pas d’un épuisement des ressources du globe […] Si rien ne change, l’accroissement indéfini de la masse humaine, de ses appétits et de ses moyens, ne peut qu’aboutir à la destruction de la nature. » Le jardin de Babylone (1969 !)

« Il y a un argument[ …] qui consiste à dire que l’augmentation du confort finirait par juguler les taux de natalité ; il s’agit là d’une utopie faramineuse : il faudrait 70 ans pour qu’un tel revirement porte ses fruits, et puis : quelle serait la source de ce confort ? Jusqu’à présent, ce fut l’industrialisation. Mais dans les pays pauvres, celle-ci mène tout droit au chômage en masse, à l’exode rural et à l’expansion catastrophique des bidonvilles dans les périmètres urbains. En outre, il s’avère que l’actuelle forme de l’industrialisation s’accompagne d’une telle destruction de l’environnement qu’il n’y a rien à espérer d’une surexploitation à long terme de la nature pour un nombre encore plus élevé d’êtres humains. Mais ce qui prime, c’est la maxime que les enfants sont le pain des pauvres ; et tant que les pays démunis ne seront pas en mesure d’instaurer des bidon 3 assurances chômage, maladie, vieillesse, etc., leur population ne pourra pas se passer de familles nombreuses. Au lieu de s’en laver les mains en déclarant que le problème démographique est l’affaire des pays pauvres, les nations industrielles devraient multiplier l’aide au développement accompagnée de mesures de politique [sociale] et démographique ». Eugen Drewermann , Le progrès meurtrier, page 43.

    La course aux rendements sous le prétexte fallacieux de Drewermann 1 donner à manger à tout le monde, a surtout augmenté la richesse de multinationales qui font, non seulement la pluie et le beau temps sur la terre, mais surtout son désastre. C’est la population qu’il faut adapter à la terre, et non l’inverse qui est impossible, sauf pour les hypocrites assoiffés de gains rapides.

« Le refus de la procréation des femmes lucides correspond à la plus saine résistance à ce génocide par étouffement que comporte la démographie galopante. Il est impossible de se soucier des générations futures sans chercher à les limiter au maximum pour la simple possibilité d’exister. » P 33.

« L’homme du système patriarcal est donc, au tout premier chef, responsable de la démence démographique, de même qu’il l’est de la destruction de l’environnement et de la pollution accélérée qui coïncide avec cette démence pour léguer une planète invivable à ce qui le prolongera. » P 99

Françoise d’Eaubonne, Le Féminisme ou la mort.

 

    « Seul un réel amour des enfants dispense d’en faire. » Michel Onfray s’attaquant au tabou de l’égoïsme des géniteurs dans le Figaro (sur la philosophie), octobre 2006

BHS     Toute politique, même la subversion ; tout art, même le dadaïsme ou le surréalisme ; toute pensée radicale, même le situationnisme, sont récupérés par le Marché… sauf l’antiprocréationnisme, parce qu’il se vit. Il procède de la philosophie, dont la finalité est de permettre de s’inventer une manière de vivre… et de faire en sorte de ne pas mal vivre.

    C’est un choix qui procède aussi de l’évidence des choses.

    C’est une philosophie basée sur l’observation de la réalité quotidienne et non sur des a priori.

« Je remercie la Providence de m’avoir fait petit et irresponsable dans un si mauvais ordre des choses.

[…] Et je tourne encore mon esprit vers mon enfant qui me lie à l’ordre social, et dont l’existence aggrave ma condition de cerf». Francis Ponge, Le parti pris des choses.

C’est aussi une intuition qui s’exprime plus par les sentiments que par les mots.

Onfray 1     « Seul un réel amour des enfants dispense d’en faire. » Michel Onfray s’attaquant au tabou de l’égoïsme des géniteurs dans le Figaro (sur la philosophie), octobre 2006.

    C’est une Connaissance.

    Rien ni personne, ne peut avoir de prise sur l’antiprocréationnisme parce que c’est une non-action prépondérante, une non-action qui engage. C’est une sorte d’anarchisme individuel non-violent.

Montherlant     « Faire des enfants, puis ne savoir qu’en faire. Tant d’attention, de conscience, de sérieux pour un accouchement, et tant de légèreté, d’aveuglement et de bêtise pour une éducation. » Henry de Montherlant (1895-1972), Les jeunes filles.

« Je n'ai jamais été attirée par la fécondité. C'est le refus de l'utile : la participation à la continuité de l'espèce est une abdication. Pour avoir des enfants, il faut une humilité Fini presque inconcevable dans le monde moderne, une passivité abrutie ou une prétention insensée. » Leonor Fini (in Leonor Fini, de Xavière Gauthier).

    En fait l’homme n’a pas encore atteint le stade de l’homo sapiens, parce que bien rares sont ceux qui décident d’avoir un enfant en sachant véritablement ce qu’ils font et en prenant toutes leurs responsabilités. Eux seuls sont des êtres humains, les autres se situent en dessous de l’animal, comme disait Diogène.

  La sagesse des anciens s’est vraiment perdue dans le désert :

Theophraste 1     « Se marier dans le but d’avoir des enfants, de ne pas laisser périr son nom, d’avoir des soutiens dans la vieillesse et des héritiers déterminés, c’est la chose la plus insensée du monde. Que nous importe, en effet, lorsque nous quittons la terre, qu’un autre porte notre nom ?.. Ce nom est porté par un grand nombre d’hommes. Quel soulagement voyez-vous pour la vieillesse à nourrir dans votre maison quelqu’un qui mourra peut-être avant vous ou qui sera d’une perversité révoltante, ou qui même, lorsqu’il atteindra l’âge mûr, trouvera votre vie bien longue ? Les meilleurs héritiers, les plus certains ce sont les amis et les proches, ceux-là vous les choisissez selon votre appréciation ; tandis qu’il faut bon gré mal gré subir les autres…

    « Qui voudrait avoir un enfant, ferait mieux, à mon avis, d’adopter le fils d’un de ses amis. Ainsi aura-t-il un enfant conforme à son désir ; car il le choisira tel qu’il le voudra. […]     La grande différence est que de cette façon on peut, parmi beaucoup d’autres, adopter un enfant conforme à ses souhaits, alors que, si l’on en a un de soi, les risques sont nombreux : car on est forcé de le prendre tel qu’il est.» 

 Théophraste (372-287 av. J.-C.), rapporté par Bruno Jay dans Faut-il faire des enfants ?.

    Aujourd’hui encore, de rares auteurs aussi lucides que sarcastiques osent donner quelques gifles à la pensée molle pour la réveiller :

Sagalovitsch 1     « Pourquoi veux-tu que mon sperme qui souffre de signes manifestes d’une angoisse traumatique que mon psychanalyste attribue à une incompatibilité métaphysique avec le cosmos sans oublier le silence de Dieu pendant la Shoah rajoutée à cela la menace nucléaire que représentent la Corée du Nord, l’Iran, la Syrie, le Pakistan, comment v Sagalovitsch 2 eux-tu que je donne la vie à un enfant qui sera soit artiste soit maniaco-dépressif soit hyperactif soit végétatif, soit idiot soit inculte, un enfant qui un jour viendra me dire : "Papa je t’aime beaucoup mais tu m’emmerdes". »  Laurent Sagalovitsch, Loin de quoi ?

    L’antiprocréationnisme est intimement lié à la prise de conscience du non-sens de la vie. Un non-sens qui est la conséquence de la disparition du sens de l’histoire, et donc, de la fin du mythe de l’avènement de la société sans classe et des lendemains qui berceau chantent. De la disparition, aussi, du sens de l’amour qui aujourd'hui n’est plus que ce qu’il est, c’est à dire la manifestation de l’instinct de reproduction de l’espèce, dont le seul but est la perpétuation des gènes. De la disparition, également, du sens de l’humour, qui aujourd’hui, ne semble survivre uniquement qu’en tant que vulgarité et mépris de l’autre, comme à l’approche de chaque apocalypse.

 « Vouer les hommes au non-sens et au néant au moment même où ils se donnent les moyens de tout anéantir en un clin d’œil ; confier l’avenir du milieu humain à des individus qui n’ont d’autre guide désormais que leurs "instincts de mort", voilà qui n’est pas rassurant, voilà qui en dit long sur l’impuissance de la science et des idéologies modernes à maîtriser les forces qu’elles ont mises à notre disposition ». René Girard, Des choses cachées depuis la fondation du monde.

principe feminin 1     L’antiprocréationnisme est la seule voie que peut emprunter celui qui pense qu’il est déjà trop tard pour croire en la solution que les rares sages d’aujourd’hui proposent : une révolution de la conscience, un respect de soi, des autres et de l’environnement ; en deux mots, une éthique de la responsabilité individuelle et collective. L’homme n’en est pas capable, il lui faudrait encore mille ans d’initiation, pour pouvoir guider sa vie sur l’équilibre entre le « principe féminin » et le « principe masculin », après sept mille ans de dictature des mâles. 

    L’antiprocréationnisme est une révolte d’autant plus forte qu’elle est non violente, qu’elle n’attaque personne.

    C’est en même temps le plus subversif des moyens d’affronter l’absurde cruauté d’un monde régi par le Patriarcat. Ne plus donner de fils aux mâles.

    L’antiprocréationniste n’a aucune mauvaise conscience, il rejette dans la poubelle des religions et de l’histoire, la culpabilité que toute société tente de faire porter à l’homme.

    Il ne se considère nullement responsable des misères du monde, qui ne résultent que de la prolifération et de la volonté de puissance des mâles.

darfour3     En revanche, il ne cesse d’invectiver tous les soi-disant bons Samaritains qui le spolient continuellement sous le fallacieux prétexte de remédier aux souffrances de millions de procréateurs irresponsables. De bons Samaritains qu’on rencontre bien souvent à la une des journaux, dans la rubrique des abus de biens sociaux et autres détournements, à côté de tous les escrocs aux bons sentiments et autres maîtres chanteurs de la souffrance et de la misère.

    Osons aller à contre-courant, osons nous situer aux antipodes de l’opinion publique, en étant convaincu, rien qu’en observant le monde, que seul peut sauver les autres celui qui fait son propre salut. C’est en se sauvant soi-même qu’on sauve le monde. Et on ne se sauve soi-même qu’en surpopulation 1 étant totalement libre. L’antiprocréationniste est fier d’oser aller à contre-courant. Il est fier d’avoir atteint le plus haut degré d’intelligence donné à l’homo sapiens sapiens, et fier d’exercer la seule véritable liberté en son pouvoir,  par son seul refus de participer à la prolifération humaine.

Mais c’est une attitude personnelle, qui n’engage que soi ; en aucune manière il n’est question de vérité universelle,  puisque :

Alan Watts 6 « Si la vie vient, ceci est la vie. Si la mort vient, ceci est la mort. Il n’y a aucune raison pour que vous restiez sous leur domination. N’y mettez aucun espoir. Cette vie et cette mort sont la vie et la mort de Bouddha ». Cité par Alan Watts dans Le bouddhisme zen. 

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