« Eh bien, si tel doit être le destin naturel des filles, que périsse toute l’humanité. Qu’il n’y ait plus ni récolte ni grain ni blé si cette jeune enfant ne m’est pas rendue. »
* « Déméter, dont le nom veut dire la Mère divine, la mère universelle, était la plus ancienne des divinités grecques, puisque les Pélasges d’Arcadie l’honoraient déjà sous la figure d’une déesse à tête de cheval, tenant une colombe dans une main et un dauphin dans l’autre, signifiant par là qu’elle avait enfanté à la fois la faune terrestre, les oiseaux et les poissons. Elle correspondait donc à ce que nous nommons la Nature. […]
Ce n’est pas seulement la nature avec ses figures visibles, c’est tout le mystère de sa puissance créatrice et de ses perpétuels enfantements que le nom sacré éveillait en lui [le grec de cette époque]… et l’homme avait le sentiment d’être le fils légitime de cette mère. » Édouard Schure, L’évolution divine du Sphinx au Christ.
Et que les femmes et les hommes conscients fassent la grève de la procréation, jusqu’à ce que la parole soit redonnée aux femmes.
Mais aucune religion, aucun pouvoir politique ne supporte que l’homme choisisse lui-même de faire naître ou ne pas faire naître ; si un couple a quelques appréhensions, quelques doutes, la société le rappelle à l’ordre. Les parents, les amis, sont les intermédiaires qui ne cessent de le questionner, de le harceler avec ses « pourquoi n’avez-vous pas d’enfant ? », comme s’ils n’étaient pas normaux.
Dans le courrier de la presse féminine, certaines lectrices s’inquiètent que leur compagnon ne veuille pas avoir d’enfant, ou se sentent elles-mêmes coupables de ne pas en désirer ; le discours de la « conseillère » est toujours le même : « Il s’agit d’un blocage profond qu’il serait bon de dénouer par une psychothérapie ».
Quant à l’État, il continue à subventionner la procréation dans un monde surpeuplé.
Les naïfs et tous les endoctrinés vous disaient encore hier, que la planète, grâce au progrès, grâce à la science et à la technique pouvait nourrir dix milliards d’humains. Et en effet, c’est bien ce que produit l’agriculture mondiale aujourd’hui, mais sa répartition délirante fait que le tiers de l’alimentation produite est gaspillé ou jeté, et bien autant surconsommé par des obèses qui devraient s’abstenir.
Mais ce qui est grave c’est aussi que cette production ne peut atteindre cette quantité sans les ravages scandaleux qu’elle entraîne avec la ruine des sols par les apports faramineux d’engrais chimiques et de pesticides, et par l’énorme consommation d’eau qu’elle nécessite ; de l’eau qui va bientôt manquer à tous, et surtout aux plus pauvres.
« Si un contrôle effectif des naissances avait été mis en place dès 1975, on aurait pu éviter la mort prématurée de plus de 500 millions d’enfants pendant les cinquante prochaines années.» M. Mesarovic et E. Pestel, Stratégies pour demain (deuxième rapport au Club de Rome).
Les écologistes et même les « objecteurs de croissance » bon ton et humanistes à souhait, qui n’osent parler de la surpopulation de la planète, sont de dangereux hypocrites. Pour eux, « il n’y aurait pas trop d’humains sur Terre, mais trop d’automobiles. » Casseurs de pub n°39. Mais qui va décider de qui a droit à une automobile ?
Pendant que par démagogie l’on refuse d’écouter les sages, la surpopulation s’accroît encore. Dans Le Féminisme ou la mort (1974), Françoise d’Eaubonne cite ces mises en garde. Près de quarante ans plus tard, il est évident que la seule sagesse ne peut rien contre le monde du « Profit » :
« Je ne voudrais pas être un oiseau de malheur, mais des informations dont je dispose en tant que secrétaire général, une seule conclusion s’impose : les pays membres de l’O.N.U. disposent de dix ans pour mettre de côté leurs querelles et pour s’engager dans un programme global d’arrêt de la course aux armements, d’assainissement du milieu, de contrôle de l’explosion démographique. Dans le cas contraire, il est à craindre que les problèmes mentionnés aient acquis une telle dimension que nous ne pourrons plus les contrôler. »
Déclaration faite en 1969 par U Thant, Secrétaire Général de l’O.N.U.
« Tous les accords du monde resteront inutiles si le problème fondamental n’est pas affronté carrément. Toute la pollution terrestre a une cause : l’homme. Or la population mondiale aura doublé bien avant l’an 2000. Peu importe la quantité de solutions ingénieuses que la science aura pu trouver pour y faire face, la pollution fera partie de la vie. Nous serons comme des lapins en cage, avec une ration de nourriture limitée, vivant dans nos propres ordures, proliférant à une vitesse démentielle et menant un combat forcené pour l’eau et les aliments afin de rester vivants. »
Le Courrier de l’Unesco Août/Sept. 1971.
Pour Michel Tarrier dans Faire des enfants tue, « on parle de surpopulation lorsque la population n’arrive pas à vivre correctement, saccage l’environnement, tarit les ressources, menaçant ainsi son avenir ».
Dans les cinq cents pages du très beau livre « STOP », de Bartillat Laurent de et Retallack Sim, aucune réflexion sur la démographie galopante.
Les « objecteurs de croissance » et les anti productivistes font régulièrement référence à Nicholas Georgescu-Roegen, Serge Latouche ou Bernard Charbonneau, mais on peut se demander s’ils les ont bien lus
« Il est absolument hors de doute, compte tenu de la pression de la population dans la plus grande partie du monde, qu’il n’y a pas de salut face aux calamités de la sous-nutrition et de la famine sinon dans le remplacement de la productivité de la terre cultivée, par une mécanisation accrue de l’agriculture, par une utilisation accrue des fertilisants et des pesticides chimiques et par une culture accrue de nouvelles variétés de céréales à hauts rendements. Toutefois, contrairement à l’opinion sans nuance généralement admise, cette technique agricole moderne constitue à long terme une orientation défavorable à l’intérêt bioéconomique fondamental de l’espèce humaine. » La décroissance, p 137.
Et Serge Latouche : « La surpopulation entraînée par les progrès de la médecine engendre le danger de famine qui peut être résolu par des techniques biologiques et chimiques miracles, mais au prix de la nécessité d’apprendre aux gens à manger n’importe quoi. » La Mégamachine.
Quant à Bernard Charbonneau :
« … Rien ne nous assure que la multiplication de la population, associée à la l’augmentation indéfinie de la production, ne nous menace pas d’un épuisement des ressources du globe […] Si rien ne change, l’accroissement indéfini de la masse humaine, de ses appétits et de ses moyens, ne peut qu’aboutir à la destruction de la nature. » Le jardin de Babylone (1969 !)
« Il y a un argument[ …] qui consiste à dire que l’augmentation du confort finirait par juguler les taux de natalité ; il s’agit là d’une utopie faramineuse : il faudrait 70 ans pour qu’un tel revirement porte ses fruits, et puis : quelle serait la source de ce confort ? Jusqu’à présent, ce fut l’industrialisation. Mais dans les pays pauvres, celle-ci mène tout droit au chômage en masse, à l’exode rural et à l’expansion catastrophique des bidonvilles dans les périmètres urbains.
En outre, il s’avère que l’actuelle forme de l’industrialisation s’accompagne d’une telle destruction de l’environnement qu’il n’y a rien à espérer d’une surexploitation à long terme de la nature pour un nombre encore plus élevé d’êtres humains. Mais ce qui prime, c’est la maxime que les enfants sont le pain des pauvres ; et tant que les pays démunis ne seront pas en mesure d’instaurer des
assurances chômage, maladie, vieillesse, etc., leur population ne pourra pas se passer de familles nombreuses. Au lieu de s’en laver les mains en déclarant que le problème démographique est l’affaire des pays pauvres, les nations industrielles devraient multiplier l’aide au développement accompagnée de mesures de politique [sociale] et démographique ». Eugen Drewermann , Le progrès meurtrier, page 43.
La course aux rendements sous le prétexte fallacieux de
donner à manger à tout le monde, a surtout augmenté la richesse de multinationales qui font, non seulement la pluie et le beau temps sur la terre, mais surtout son désastre. C’est la population qu’il faut adapter à la terre, et non l’inverse qui est impossible, sauf pour les hypocrites assoiffés de gains rapides.
« Le refus de la procréation des femmes lucides correspond à la plus saine résistance à ce génocide par étouffement que comporte la démographie galopante. Il est impossible de se soucier des générations futures sans chercher à les limiter au maximum pour la simple possibilité d’exister. » P 33.
« L’homme du système patriarcal est donc, au tout premier chef, responsable de la démence démographique, de même qu’il l’est de la destruction de l’environnement et de la pollution accélérée qui coïncide avec cette démence pour léguer une planète invivable à ce qui le prolongera. » P 99
Françoise d’Eaubonne, Le Féminisme ou la mort.
« Seul un réel amour des enfants dispense d’en faire. » Michel Onfray s’attaquant au tabou de l’égoïsme des géniteurs dans le Figaro (sur la philosophie), octobre 2006
Toute politique, même la subversion ; tout art, même le dadaïsme ou le surréalisme ; toute pensée radicale, même le situationnisme, sont récupérés par le Marché… sauf l’antiprocréationnisme, parce qu’il se vit. Il procède de la philosophie, dont la finalité est de permettre de s’inventer une manière de vivre… et de faire en sorte de ne pas mal vivre.
C’est un choix qui procède aussi de l’évidence des choses.
C’est une philosophie basée sur l’observation de la réalité quotidienne et non sur des a priori.
« Je remercie la Providence de m’avoir fait petit et irresponsable dans un si mauvais ordre des choses.
[…] Et je tourne encore mon esprit vers mon enfant qui me lie à l’ordre social, et dont l’existence aggrave ma condition de cerf». Francis Ponge, Le parti pris des choses.
C’est aussi une intuition qui s’exprime plus par les sentiments que par les mots.
« Seul un réel amour des enfants dispense d’en faire. » Michel Onfray s’attaquant au tabou de l’égoïsme des géniteurs dans le Figaro (sur la philosophie), octobre 2006.
C’est une Connaissance.
Rien ni personne, ne peut avoir de prise sur l’antiprocréationnisme parce que c’est une non-action prépondérante, une non-action qui engage. C’est une sorte d’anarchisme individuel non-violent.
« Faire des enfants, puis ne savoir qu’en faire. Tant d’attention, de conscience, de sérieux pour un accouchement, et tant de légèreté, d’aveuglement et de bêtise pour une éducation. » Henry de Montherlant (1895-1972), Les jeunes filles.
« Je n'ai jamais été attirée par la fécondité. C'est le refus de l'utile : la participation à la continuité de l'espèce est une abdication. Pour avoir des enfants, il faut une humilité
presque inconcevable dans le monde moderne, une passivité abrutie ou une prétention insensée. » Leonor Fini (in Leonor Fini, de Xavière Gauthier).
En fait l’homme n’a pas encore atteint le stade de l’homo sapiens, parce que bien rares sont ceux qui décident d’avoir un enfant en sachant véritablement ce qu’ils font et en prenant toutes leurs responsabilités. Eux seuls sont des êtres humains, les autres se situent en dessous de l’animal, comme disait Diogène.
La sagesse des anciens s’est vraiment perdue dans le désert :
« Se marier dans le but d’avoir des enfants, de ne pas laisser périr son nom, d’avoir des soutiens dans la vieillesse et des héritiers déterminés, c’est la chose la plus insensée du monde. Que nous importe, en effet, lorsque nous quittons la terre, qu’un autre porte notre nom ?.. Ce nom est porté par un grand nombre d’hommes. Quel soulagement voyez-vous pour la vieillesse à nourrir dans votre maison quelqu’un qui mourra peut-être avant vous ou qui sera d’une perversité révoltante, ou qui même, lorsqu’il atteindra l’âge mûr, trouvera votre vie bien longue ? Les meilleurs héritiers, les plus certains ce sont les amis et les proches, ceux-là vous les choisissez selon votre appréciation ; tandis qu’il faut bon gré mal gré subir les autres…
« Qui voudrait avoir un enfant, ferait mieux, à mon avis, d’adopter le fils d’un de ses amis. Ainsi aura-t-il un enfant conforme à son désir ; car il le choisira tel qu’il le voudra. […] La grande différence est que de cette façon on peut, parmi beaucoup d’autres, adopter un enfant conforme à ses souhaits, alors que, si l’on en a un de soi, les risques sont nombreux : car on est forcé de le prendre tel qu’il est.»
Théophraste (372-287 av. J.-C.), rapporté par Bruno Jay dans Faut-il faire des enfants ?.
Aujourd’hui encore, de rares auteurs aussi lucides que sarcastiques osent donner quelques gifles à la pensée molle pour la réveiller :
« Pourquoi veux-tu que mon sperme qui souffre de signes manifestes d’une angoisse traumatique que mon psychanalyste attribue à une incompatibilité métaphysique avec le cosmos sans oublier le silence de Dieu pendant la Shoah rajoutée à cela la menace nucléaire que représentent la Corée du Nord, l’Iran, la Syrie, le Pakistan, comment v
eux-tu que je donne la vie à un enfant qui sera soit artiste soit maniaco-dépressif soit hyperactif soit végétatif, soit idiot soit inculte, un enfant qui un jour viendra me dire : "Papa je t’aime beaucoup mais tu m’emmerdes". » Laurent Sagalovitsch, Loin de quoi ?
L’antiprocréationnisme est intimement lié à la prise de conscience du non-sens de la vie. Un non-sens qui est la conséquence de la disparition du sens de l’histoire, et donc, de la fin du mythe de l’avènement de la société sans classe et des lendemains qui
chantent. De la disparition, aussi, du sens de l’amour qui aujourd'hui n’est plus que ce qu’il est, c’est à dire la manifestation de l’instinct de reproduction de l’espèce, dont le seul but est la perpétuation des gènes. De la disparition, également, du sens de l’humour, qui aujourd’hui, ne semble survivre uniquement qu’en tant que vulgarité et mépris de l’autre, comme à l’approche de chaque apocalypse.
« Vouer les hommes au non-sens et au néant au moment même où ils se donnent les moyens de tout anéantir en un clin d’œil ; confier l’avenir du milieu humain à des individus qui n’ont d’autre guide désormais que leurs "instincts de mort", voilà qui n’est pas rassurant, voilà qui en dit long sur l’impuissance de la science et des idéologies modernes à maîtriser les forces qu’elles ont mises à notre disposition ». René Girard, Des choses cachées depuis la fondation du monde.
L’antiprocréationnisme est la seule voie que peut emprunter celui qui pense qu’il est déjà trop tard pour croire en la solution que les rares sages d’aujourd’hui proposent : une révolution de la conscience, un respect de soi, des autres et de l’environnement ; en deux mots, une éthique de la responsabilité individuelle et collective. L’homme n’en est pas capable, il lui faudrait encore mille ans d’initiation, pour pouvoir guider sa vie sur l’équilibre entre le « principe féminin » et le « principe masculin », après sept mille ans de dictature des mâles.
L’antiprocréationnisme est une révolte d’autant plus forte qu’elle est non violente, qu’elle n’attaque personne.
C’est en même temps le plus subversif des moyens d’affronter l’absurde cruauté d’un monde régi par le Patriarcat. Ne plus donner de fils aux mâles.
L’antiprocréationniste n’a aucune mauvaise conscience, il rejette dans la poubelle des religions et de l’histoire, la culpabilité que toute société tente de faire porter à l’homme.
Il ne se considère nullement responsable des misères du monde, qui ne résultent que de la prolifération et de la volonté de puissance des mâles.
En revanche, il ne cesse d’invectiver tous les soi-disant bons Samaritains qui le spolient continuellement sous le fallacieux prétexte de remédier aux souffrances de millions de procréateurs irresponsables. De bons Samaritains qu’on rencontre bien souvent à la une des journaux, dans la rubrique des abus de biens sociaux et autres détournements, à côté de tous les escrocs aux bons sentiments et autres maîtres chanteurs de la souffrance et de la misère.
Osons aller à contre-courant, osons nous situer aux antipodes de l’opinion publique, en étant convaincu, rien qu’en observant le monde, que seul peut sauver les autres celui qui fait son propre salut. C’est en se sauvant soi-même qu’on sauve le monde. Et on ne se sauve soi-même qu’en
étant totalement libre. L’antiprocréationniste est fier d’oser aller à contre-courant. Il est fier d’avoir atteint le plus haut degré d’intelligence donné à l’homo sapiens sapiens, et fier d’exercer la seule véritable liberté en son pouvoir, par son seul refus de participer à la prolifération humaine.
Mais c’est une attitude personnelle, qui n’engage que soi ; en aucune manière il n’est question de vérité universelle, puisque :
« Si la vie vient, ceci est la vie. Si la mort vient, ceci est la mort. Il n’y a aucune raison pour que vous restiez sous leur domination. N’y mettez aucun espoir. Cette vie et cette mort sont la vie et la mort de Bouddha ». Cité par Alan Watts dans Le bouddhisme zen.
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