La gnose, une exploration intérieure

    La gnose est donc une connaissance supérieure à la foi et à la raison. Une sagesse primordiale et originelle. Une compréhension initiatique et ésotérique des mystères de la nature.

    C’est également une connaissance intuitive générée par la méditation et l'observation de la nature. C’est une conscience et un sentiment de sa propre éternité. Le noûs, (le moi-vrai, le moi-plénier, « la pointe de l’âme »), est éternel, il est hors du temps.

   « [Le gnosticisme] est un type très spécial de religiosité , qui fait comme la synthèse d’aspirations "orientales" et "occidentales" : on oppose volontiers, bien que ce soit loin d’être toujours vrai, l’Orient "métaphysique"  qui aspire à la délivrance et l’Occident "religieux" qui aspire au salut ; le gnosticisme assure précisément une sorte de liaison, de pont entre les religions à forme "sentimentale, personnelle et les religions dites "métaphysiques" impersonnelles […] C’est une vision, une expérience et une compréhension intérieures, une illumination, « une conscience de soi, de sa nature, de son origine authentique, de sa condition, de sa destinée. » Serge Hutin, Les gnostiques.

Dans le bouddhisme tibétain, c'est ce qu'exprime le mot sanskrit « Prajnâ », « Paññā » en Pali (esprit éveillé ou sagesse illuminative, vision pénétrante), qu' Alexandra David-Néel traduit par « Connaissance transcendante », c’est-à-dire qu’elle n’est ni pratique, ni dialectique, non parcellaire. Henry Corbin parle de la « connaissance par le cœur » d’Ibn’Arabi.

Ce n’est pas une connaissance par la séparation, le classement, la discrimination. C’est la gnose.  C’est par elle que le gnostique comme le bouddhiste atteint la libération en comprenant que la représentation que nous nous faisons de la réalité, n’est qu’illusion. En particulier la vision pénétrante n’est possible que hors des jeux de l’ego et de ses références continuelles au passé, à ces mémoires accumulées qui nous ramènent toujours à nos multiples attachements. La vision pénétrante ne s’accomplit que dans le silence du mental. Cette connaissance intuitive est une vision profonde des choses telles qu’elles sont, c’est-à-dire impermanentes, insatisfaisantes et sans essence. C’est une vision cohérente de la totalité des phénomènes en interaction permanente, en dehors de toute séparation, de tout morcellement des faits. Une vision révélée par la méditation, c’est-à-dire par l’observation silencieuse du monde, qui nécessite un abandon complet des attachements.                                                                                               

Cette connaissance intuitive n’est pas la « réminiscence » qui chez Platon a été acquise par l’âme dans une vie antérieure. Même si certains gnostiques, sous l’influence de Pythagore affirmant que l’âme pour se libérer doit subir d’innombrables réincarnations. Pour Platon l’âme peut même se réincarner dans des animaux. Ainsi selon Serge Hutin, dans la Pistis Sophia, il est dit qu’une âme n’est définitivement perdue que si elle achève le cycle complet des « migrations » terrestres sans s’être repentie. Cette idée de réincarnation chez les gnostiques est aussi incohérente que celle dont on a déjà parlé à propos du bouddhisme populaire. D’autre part comment se repentir sans conscience de ce qu’on était avant, et sans la connaissance des raisons qui nous auraient fait renaître dans le corps d’un animal ? Comment se repentir alors qu’à l’évidence, l’on reste ignorant de tout ce processus et de sa finalité ? Le repentir relève du domaine de l’émotion et non de celui de la compréhension.

Le noûs est « Intelligence » selon Henry Corbin. Cette « Intelligence » est contemplation, elle ne morcelle pas la vie, elle perçoit le Un et le Tout parce qu’elle n’est plus obscurcie par l’ego. Selon Plotin (205-270), le Un ne contient aucune division ni aucune distinction. Comme au Tao, aucun attribut ne peut être assigné à l’Un, ni aucune pensée, qui implique toujours une distinction avec son objet. Comme au Tao, aucune volonté ni aucune activité ne peut être imputée à l’Un. Plotin est même plus proche du Tao que les gnostiques, puisque le taoïste n’a aucun dédain, aucune condamnation du monde et de la vie.

« [À la différence des gnostiques] Plotin n’a pas à attendre la fin du monde sensible, pour que son moi, d’essence spirituelle, retourne dans le monde spirituel. Ce monde spirituel n’est pas un lieu supraterrestre ou supra cosmique dont les espaces célestes le sépareraient. Ce n’est pas non plus un état originel irrémédiablement perdu auquel seule la grâce divine pourrait le ramener. . Non, ce monde spirituel n’est autre que le moi le plus profond […]

Ce n’est donc pas par la haine et par le dégoût du corps qu’il faudra se détacher des choses sensibles. Celles-ci ne sont pas mauvaises en elles-mêmes. Mais le souci qu’elles nous causent nous empêche de faire attention à la vie spirituelle dont nous vivons inconsciemment.  » Pierre Hadot, Plotin ou la simplicité du regard.

 

Plotin, lors de ses extases, voit les choses « du Ciel », comme les taoïstes. Donc, à la différence des gnostiques, pour l’auteur des Énnéades,  le monde spirituel n’est pas ailleurs qu’en nous-mêmes. Et il est également en dehors de nous : « il suffit de le regarder hors de soi pour l’apercevoir derrière les apparences ».

C'est-à-dire également, par delà le bien et le mal ; c’est « prolonger la vision de l’œil par une vision de l’esprit ».

Dans le bouddhisme zen, « Pour celui qui a la  connaissance de soi, il n’y a pas de dualité entre soi-même et le monde extérieur. [Ce qui fait qu’il y a dualité], c’est "l’ignorance" du fait que sujet et objet sont solidaires comme les deux faces d’une pièce de monnaie. Alan Watts, Le bouddhisme zen.

    Comme le Bouddha, le gnostique s'interroge sur la cause des souffrances et explique le mal par cette ignorance.

 Cet Éveil ne peut jamais venir de l’extérieur, il résulte d’une exploration intérieure. C’est pourquoi certains maîtres bouddhistes disent :«Si tu vois le Bouddha, tue-le ».

De même dans l’Évangile de Marie-Madeleine :

« Veuillez à ce que personne ne vous égare en disant "Le voici, le voilà", car c’est à l’intérieur de vous qu’est le Fils de l’Homme. »

    Le taoïsme également appelle à une intuition mystique, à une conscience cosmique libérée des différents masques du moi.

    C’est ainsi qu’avoir acquis des connaissances, des savoirs, sans qu’ils aient contribué au perfectionnement de l’« Être », n’est pas la Voie, n’est pas le chemin de la « connaissance de soi », n’est pas le « gnôthi seauton ».

« Il ne suffit pas d’acquérir des connaissances, mais il faut que ces connaissances deviennent nature en nous, qu’elles croissent avec nous » Porphyre (disciple de Plotin), cité par Pierre Hadot, Qu’est-ce que la philosophie antique ?

    La religion et la morale du gnostique viennent de l’intérieur, et pour lui, la religion et la morale du catholique viennent de l’extérieur, du dogme, des rites, c’est donc la religion des pharisiens, des hypocrites.

    C’est par le contact intérieur avec le divin que le mystique, l’Un, fusionne avec le Tout.

    « La Gnose a vertu d’opérer la métamorphose, la mutation intérieure de l’homme. » Henry Corbin (1903-1978).

    C’est une fusion spirituelle dans l'univers qui va de pair avec l’absence de dramatisation de soi, avec le détachement et la disparition progressive du moi, avec le calme intérieur, avec le « lâcher-prise » du mental, qui ouvrent une brèche sur notre dimension intérieure.    C’est une fusion spirituelle dans l'univers qui va de pair avec l’absence de dramatisation de soi, avec le détachement et la disparition progressive du moi, avec le calme intérieur, avec le « lâcher-prise » du mental, qui ouvrent une brèche sur notre dimension intérieure. Il s’agit d’un détachement mental, c’est-à-dire qui désencombre le mental, qui l’appauvrit (« Heureux les simples d’esprit »). Il s’agit de développer consciemment son niveau noétique, c’est-à-dire un niveau de conscience supérieur, situé au-delà de l’ego. Ce détachement du mental est alors source de bien-être psychologique, de béatitude, d’ananda (sanscrit).

    La seule tâche du gnostique sera la progression dans la connaissance de soi, qui résulte de l’étude de soi, de l’étude approfondie de la machine que l’on est.

    La connaissance de soi c’est la découverte de notre véritable nature, notre nature innée, en procédant par élimination, en rejetant les fausses identifications que l’on a endossées. C’est par la découverte, à chaque instant, du mécanisme de l’ego, par la surveillance incessante de ses intentions, de ses visées, de ses pensées, de ses sentiments, de ses états d’âme et de ses appétits… L’ego ne peut se dévoiler que dans les rapports de relation, dans nos activités quotidiennes, dans notre façon de nous exprimer, de juger, de calculer, de condamner, de répondre aux agressions, aux coups du sort, aux flatteries … La raison d’être de l’ego est toujours de montrer que l’on est supérieur aux autres, c’est pourquoi il se développe et se révèle d’autant plus que l’on est au sein d’un monde agité. La démesure de l’ego dans nos sociétés patriarcales, résulte de l’exacerbation de l’instinct de domination du mâle et de la liberté donnée à son épanouissement après la dissolution de l’organisation sociale des Mères.

    L’ego c’est la part visible de la prétention du mâle qui s’est approprié le pouvoir.

    C’est la prétention de Yahvé, démiurge, avatar de la déesse Mère dont il a usurpé le pouvoir, et qui se veut le seul Dieu.

    C’est la prétention du père si fier de son fils qui, pourtant ne vaut pas mieux qu’un autre.

    C’est la prétention du propriétaire qui amasse des biens en spoliant les autres pour conforter ceux de sa lignée.

    C’est la prétention de celui qui croit maîtriser la nature, qui rompt les équilibres naturels, ignorant qu’il est, de la fantastique interdépendance des choses de l’univers (la « nature adultère » de l’homme selon Marie-Madeleine).

Il fait ainsi le malheur de ses frères. C’est pourquoi, pour le taoïste, la connaissance de soi, mène au non-agir. C’est-à-dire qu’avant chaque action, il faut se demander si notre intervention ne va pas aggraver la situation au lieu de l’améliorer ; le principal étant avant tout, de ne pas nuire.

    Il est donc important d’être conscient de soi, sans aucune idée préconçue. Comme dans le bouddhisme, on y arrive par l’Attention.

    La différence avec les religions du Livre est évidente. Pour le juif, le catholique ou le musulman, il n’y a pas lieu à se connaître soi-même, il suffit d’obéir à Sa Volonté, à Sa Parole. 

    Le gnostique, lui, va chercher la perle sous la boue et le fumier, pour atteindre la plénitude.

    Le gnostique va acquérir ainsi, une autonomie qui lui donne toute liberté vis à vis de ce monde et de ses pseudo-valeurs. Le gnostique n’est pas un penseur, comme Hegel pour qui la philosophie de l’histoire justifie la mort des individus au nom de causes supérieures, ou Kant qui ne peut se défaire de son dieu anthropomorphe.

La vérité du gnostique ne vient pas des mots, mais de ce qu’il voit à l’intérieur de lui-même, par-delà les jugements, par-delà le bien et le mal. Il va donc vivre avec une sorte d'amoralisme de principe. 

    « Pour qui réalise le détachement intérieur, il n’est plus ici-bas, ni bien ni mal. »  La Bhagavad-Gîtâ

    Dans l’Évangile selon Thomas, le Royaume est intérieur : c’est en nous et par une démarche purement intérieure qu’il est à chercher et à trouver.

    « Si ceux qui vous guident vous disent "le Royaume est dans le ciel", alors les oiseaux du ciel vous devanceront ; s’ils vous disent qu’il est dans la mer, alors les poissons vous devanceront. Mais le Royaume est à l’intérieur de vous et il est à l’extérieur de vous. » Logion 3.

    Il n’y a pas de paradis à attendre, ni d’au-delà à imaginer, puisque le Royaume est ici et maintenant, présence invisible, en tout un chacun et partout.

    « …Le Royaume est répandu sur la terre et les hommes ne le voient pas. » Logion 113.

« La poursuite incessante de ce qui est là-bas, nous cache entièrement ce qui est ici » Alan Watts, op cit.

    Selon l’Histoire de France de Jules Michelet, Amaury de Chartres (mort en 1209), professeur de théologie à l’Université de Paris, enseignait que tout chrétien est matériellement un membre du Christ, c’est à dire que Dieu est perpétuellement incarné dans le genre humain. Il fut condamné par le pape Innocent III et ses nombreux disciples furent brûlés en 1210.

    Dieu n’est pas extérieur aux êtres, il est dans tous les êtres, sans qu’ils le sachent, sans qu’ils en aient conscience, parce qu’ils ne se connaissent pas eux-mêmes.

    Il s’agit de se retrouver tel qu’on était avant d’avoir été, de saisir son visage spirituel, la forme vraie de son être réel. Cela rappelle le Koan zen qui demande « Quel était ton visage avant ta naissance ? ». Rappelons-nous la citation de Dôgen : « le visage originel ignore la naissance et la mort ».

« Le "Spirituel", du fait qu’il connaît le lieu de son origine, [par son étincelle divine] connaît du même coup le lieu où il est inéluctablement destiné à revenir ; sachant d’où il est, il sait où il va… Qui connaît le principe de son être en connaît par nécessité, la fin. » H. C. Puech, En quête de la gnose.

    Le « Spirituel », préexistait ainsi à sa naissance au monde, au delà du temps, en tant que « moi-réel ». Son « moi » terrestre est un « moi-apparent », un « moi-reflet ».

    Se connaître soi-même revient donc à découvrir son « vrai-moi » et à reprendre conscience, à reprendre possession de « soi ».

    La rencontre avec le « vrai-moi », c’est la rencontre avec notre « image primordiale », avec notre « ange », notre « double céleste ».

    « … Lorsque vous verrez vos images, produites avant vous, qui ne meurent ni ne se manifestent, combien grand sera ce que vous supporterez. » Logion 84.

    Le gnostique, à la différence du bouddhiste, doit découvrir son « vrai Moi », son « Soi », même si à cause des conditionnements et de l’endoctrinement, ils sont peu nombreux ceux qui seront à même de profiter de cette richesse spirituelle : « Vous n’entrerez pas dans le Royaume, si vous ne redevenez comme des petits enfants », c’est à dire si vous ne redevenez comme avant le conditionnement. C’est également l’enseignement du taoïsme :

    « Pouvez-vous redevenir comme le petit enfant ? Celui-ci remue sans savoir ce qu’il fait et marche sans savoir où il va… » Lao-tseu  (Ve siècle av. J.-C.).

    Selon certains, la différence entre la gnose chrétienne et la gnose bouddhique ou taoïste, c’est que la gnose chrétienne serait réservée à des élus. On ne deviendrait pas gnostique, on l’est depuis toujours. En revanche « l’Eveil », pour le Bouddha, est en chacun de nous. Mais le noûs, partie divine des gnostiques, chacun la possède par nature et doit la découvrir. D’un côté comme de l’autre, la prise de conscience et le travail sur soi sont bien nécessaires, et au résultat, cela ne revient-il pas au même ?

    « L’homme est toujours parfait, sinon, il ne pourrait jamais le devenir, mais il faut qu’il s’en rende compte. » Swâmi Vivekânanda (1862-1903).

La véritable différence entre la gnose chrétienne et le bouddhisme, serait que le nirvâna n’est pas le « Plérôme » des gnostique, la où se situe le Dieu Bon, un lieu totalement différencié du monde terrestre où règne le démiurge. Il y aurait dualité entre le monde du Bien et le monde du Mal.                                                              

Pour le bouddhisme zen, en revanche, le nirvâna résulte de la compréhension de l’interdépendance de toutes choses dans ce monde-ci. Il n’y a aucune dualité, le monde du nirvâna est le monde du samsara (monde phénoménal, existence conditionnée, de la naissance à la mort), puisque le nirvâna est la compréhension totale du samsara.

Toutefois pour le gnostique, le royaume de Dieu est en lui, et le « Plérôme » n’est-il pas également la compréhension du Tout ? Encore une fois, tout est question de vocabulaire.

    Dans son essence, le gnosticisme est antérieur au christianisme. L’illumination connaissance se retrouve déjà dans les Upanishads et, plus tard, dans le bouddhisme. Il vient aussi d'Orient, de l'antique religion astrale de Babylone, influencée elle aussi par le zoroastrisme.

    Ainsi, la gnose est aussi bien occidentale qu’orientale (soufis) et extrême-orientale. Les différences sont questions de vocabulaire, de structures mentales attachées aux mots.

    Sur la gnose païenne, va se greffer un apport juif au moment de l'hellénisation du judaïsme dans la diaspora. Certains juifs vont chercher à en finir avec la Loi, avec le Dieu cruel et vengeur de la création et de La Torah. Dans Les gnostiques, Serge Hutin précise que la communauté des Esséniens   avait été exclue du Temple de Jérusalem parce qu’elle refusait le mariage et les sacrifices des animaux à Yahvé. Elle se réclamait du Maître de Justice, supplicié par les juifs, un siècle avant J.-C. 

    À noter que selon Frédéric Lenoir, dans La rencontre du bouddhisme et de l’Occident, la communauté des Esséniens avait été très probablement instruite par des prédicateurs bouddhistes envoyés par l’empereur indien Ashoka (vers 269-232 av. J.-C.).                                        

Ils furent sans doute également en contact avec des  hindous si l’on compare ce texte des Upanishads qui pourrait parler de l’ADN de l’univers inclue en toute chose: 

« Cet Atmâ, qui réside dans le cœur, est plus petit qu’un grain de riz, plus petit qu’un grain d’orge, plus petit qu’un grain de moutarde, plus petit qu’un grain de millet, cet Atmâ, qui réside dans le cœur, est aussi grand que la Terre, plus grand que l’atmosphère, plus grand que tous ces mondes ensembles », avec celui des Évangiles :

« Le Royaume des Cieux est semblable à un grain de moutarde qu’un homme prend et sème dans un champ : ce grain est le plus petit de toutes les semences, mais lorsqu’il a crû, il est plus grand que tous les autres légumes, et il devient un arbre, de sorte que les oiseaux du ciel viennent se reposer sur ses branches ».

Et avec les taoïstes : 

« Heureux les doux ; ils auront la terre en partage. » Matthieu V,4.

« Gardez la douceur, voilà la force de d’âme » Lao-tseu.

    Pour Hans Jonas, dans Les gnostiques, la formation du gnosticisme durant les premiers siècles avant Jésus-Christ, serait le point de rencontre des anciennes religions orientales avec la culture rationnelle de l’hellénisme occidental. En fait l’hérétique serait plutôt Paul. Dans sa lettre aux Colossiens, il dénonce déjà « la gnose » comme « la fausse connaissance »   (pseudônumou gnôseôs).

Le christianisme de Paul a été influencé par l’hellénisme et aussi par les Romains, ces constructeurs acharnés de villes et de routes ; pour Cicéron aussi, l’homme est « la mesure de toutes choses » :

« Le monde a été […] créé en premier lieu pour les dieux et les hommes, mais toutes ses dispositions n’ont été conçues et exécutées qu’à l’usage de l’homme » Cicéron, De natura deorum.

« L’absence de scrupules, qui autorisa les Romains à réduire la religion à l’adoration du pouvoir humain [des mâles] et la nature à un simple grenier à provisions, était véritablement effrayante. […] Héritier politique et culturel des Romains, et fondateur de l’ "Occident", le christianisme n’a nullement atténué cet anthropocentrisme et cet éloignement de la nature, mais les a plutôt accentués avec l’apport du judaïsme ». Eugen Drewermann, Le progrès meurtrier, page 58.

« Il se pourrait que plusieurs idées centrales du christianisme aient été créées de toutes pièces, comme les villes où elles se développèrent. Tel serait alors le cas de toute philosophie, de toute religion offrant un système d’idées qui se dérobe à la vérification expérimentale. Mais sur ce point, le christianisme diffère fortement des autres traditions. Dans le bouddhisme et le Védanta, par exemple, les idées jouent un rôle nettement secondaire, car le noyau de ces traditions est une expérience ineffable, quelque chose de concret et de non verbal : le contraire même d’une idée. Dans le christianisme en revanche, l’accent est mis sur la foi plus que sur l’expérience et une grande importance a toujours été attachée à la formulation précise du dogme, de la doctrine, du rite. Dès le début de son histoire, le christianisme rejeta la gnosis ou expérience directe de Dieu en faveur de la pistis ou confiance volontaire en la Révélation telle que certaines propositions théologiques en conservent le dépôt. Alan Watts, Amour et connaissance.

    Selon Henri-Charles Puech, dans En quête de la gnose, la gnose chrétienne étant issue de la gnose babylonienne  et des « hérésies juives », c'est donc en fait le christianisme qui serait une sorte d'hérésie du gnosticisme.                  Et pour Françoise Gange, la tâche du gnostique est surtout d’inciter les hommes à redécouvrir en eux le « Principe féminin », exclu de la vie, depuis le combat des dieux mâles contre les déesses-mères. 

Et pour Françoise Gange, la tâche du gnostique est surtout d’inciter les hommes à redécouvrir en eux le « Principe féminin », exclu de la vie, depuis le combat des dieux mâles contre les déesses-mères.

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