Une vision du monde qui est loin d’être obsolète.
« À notre époque, nous souffrons toujours et tous les jours des conséquences de cette défaite [des cathares]. » Simone Weil (1909-1943).
La pollution, la démographie galopante, la violence économique, transposition civilisée des pirateries, le gaspillage de la nourriture par un petit nombre, la malnutrition de tous les autres, et la corruption généralisée qui sont notre cadre de vie, nous révèlent la sagesse cathare.
« [La tradition gnostique] développe une interrogation très simple et très ambitieuse sur les difficultés qui sont liées au venir-au-monde […] C’est une herméneutique de la fausse couche dans un monde qui ne convient pas aux êtres humains. La réalité c’est cela : des époques entières ont été si sombres que les hommes ont dû développer une grande imagination pour comprendre dans quoi ils étaient tombés. Et il en va de même aujourd’hui pour d’innombrables personnes ; les damnés de cette terre sont partout, et aucun des antignostiques indolents qui sont attachés à nos facultés de théologie et de sociologie ne leur apporte d’aide. » (Page 77). Peter Sloterdijk, Essai d’intoxication volontaire
Les pages de l'histoire des hommes s'écrivent toujours en rouge sang. Un sang qui, en quantité, coule même beaucoup plus qu'hier.
« … Le monde moderne ne sera pas châtié. Il est le châtiment… » Nicolas Gomez Davila, op.cit.
Le théâtre d’Eugène Ionesco décline sur tous les tons le scandale que sont la vie, la vieillesse et la mort. Le drame pour l’homme de n’avoir été jeté au monde, comme on jetterait un dé, que pour y mourir. Et cette fatalité génétique de l’instinct grégaire, qui pousse chacun à se dépouiller de son « être » pour se ruer vers la servitude de la ressemblance aux autres. Le véritable penseur qui s’écarte de cet instinct, se retrouve repoussé, désavoué par la machine sociale… et prisonnier de son extrême solitude.
Le gnosticisme relève d’une angoisse insurmontable devant le mal ; c’est une attitude existentielle qui a tendance à réapparaître spontanément aux époques de crise sociale et politique.
« Chacun fuira, supportera ou chérira la solitude en proportion exacte de la valeur de son propre moi. Car c’est là que le mesquin sent toute sa mesquinerie et le grand esprit toute sa grandeur ». Arthur Schopenhauer, Aphorismes.
Le gnosticisme relève d’une angoisse insurmontable devant le mal ; c’est une attitude existentielle qui a tendance à réapparaître spontanément aux époques de crise sociale et politique.
Nous avons compris que pour le gnostique la question de « l’existence de Dieu » ne se pose même pas, puisqu’Il est inconnaissable, ineffable. Comme pour le bouddhisme ou l’épicurisme, c’est une question, plus que subsidiaire.
Aucun ange Gabriel n’est apparu ni à Moïse, ni à Marie, ni à Muhammad. Seuls combattent pour le pouvoir absolu Belzébuth, Yahvé, Allah et autres Lucifer. Chacun est libre de choisir le démon qui l’entraînera jusqu’aux enfers.
Lutte contre les inégalités, combat pour la paix, pour la protection de l’environnement : tout cela n’est qu’agitation de l’homme perdu qui s’enfonce dans ses contradictions comme dans des sables mouvants.
Tel un parachutiste tombé dans la jungle amazonienne, l'homme ne peut plus compter que sur lui-même pour s’en sortir. Dieu est mort, faire son procès, se révolter contre le Créateur est aujourd'hui dépassé.
Comme le taoïste, celui qui est perdu dans ce monde doit d’abord se montrer capable de recul et d’une totale disponibilité, indispensable pour agir au sein des pires dangers. Rappelons que c’est dans le « Vide », créé par le jeûne de l’esprit, que les « forces naturelles invisibles » nous permettent d’agir de façon adéquate. « Le vide attire le plein » disent les cabalistes comme les gnostiques.
« Si tu veux remplir ton esprit d’un contenu, tu le videras de toute autre forme. La pleine conscience commence par le vide […] Pour être un hôte accueillant, il faut libérer la chambre » Jacques de Coulon, La philosophie pour vivre heureux.
Dans l’Évangile de Marie (Madeleine), au delà de l’Esprit, il y a le Silence. Le Silence qui écoute et qui entend « Tout ».
Cette intuition qui vient de notre intérieur et qui nous dit que ce « Vide » n’est pas un néant mais une plénitude, est confirmé depuis peu par la physique des quanta, pour laquelle il n’existe pas de vide à proprement parler. Le vide subit des fluctuations d’où peuvent émerger des particules non observables. Par conséquent, du vide peut jaillir la matière. La quête du Vide est sans doute bien difficile, mais tenter de sortir de son mental tout le superflu, est déjà un allègement, permettant d’atteindre des vibrations plus élevées.
Certains sont persuadés que l’homme réussira un jour à créer un monde « vivable ». Mais les hommes seront-ils un jour d’accord sur ce qu’ils entendent par « monde vivable » ?
Depuis deux cents ans, la science a apporté à l’homme ce dont il avait besoin pour créer un Royaume de justice. Où est-il ?
« Un monde où l’on peut se rendre de plus en plus facilement à des endroits offrant de moins en moins d’intérêt, un monde où l’on produit en quantité croissante des aliments dont la valeur nutritive décroît en proportion, un tel monde est un cercle vicieux. L’essence du cercle vicieux consiste à poursuivre ou fuir un terme inséparable de son opposé, à une vitesse qui s’accélère de plus en plus tant qu’on a pas aperçu la solidarité des deux termes. À vrai dire, la brusque éruption de l’histoire dans les cinq derniers siècles donne l’impression d’une prolifération cancéreuse plus que d’une croissance ordonnée. » Alan Watts, op, cit.
Plus le progrès avance, plus le mensonge devient omniprésent. Pour J. K. Galbraith qui a navigué longtemps dans les plus hautes sphères de l’économie et de la politique internationales, nous baignons en permanence dans la désinformation, et les lobbies industriels, particulièrement ceux de l’armement, manipulent tous les gouvernements sans exception, c’est leur volonté et ils en ont les moyens : « le progrès humain est dominé par une inimaginable cruauté et par la mort… Les tueries en masse sont devenues l’ultime accomplissement de la civilisation.» Les mensonges de l’économie.
« …la Rationalité, le Progrès, la Science, la Technique, le Développement économique. Ces idoles sont l’objet d’un culte, d’une dévotion et d’une sacralisation inouïs. Les victimes qui sont offertes en sacrifice à ces faux dieux sont innombrables ». Serge Latouche, La Mégamachine.
Rappelons que c’est l’utilisation de la science à des fins mercantiles ou idéologiques qui est dangereuse et non la science elle-même. La science est très importante pour la pensée et la vision du monde qu’elle éclaire, comme la physique des quanta qui ouvre notre réflexion sur des champs inconnus jusque-là. D’autre part, c’est grâce à la science que la femme a pu retrouver une partie de sa dignité quand les religions, surtout monothéistes, l’avaient reléguée au rang de la bête malfaisante.
Aujourd’hui, on laisse cachée la pensée de Gurdjieff et d’Ouspensky parce que, certes, depuis le nazisme, il est évident que des tyrans pourraient se servir de telles théories pour réactualiser l’innommable. Mais la quête de tous les tyrans du monde, des plus petits aux plus grands, est dirigée vers l’extérieur de leur être, alors que celle du gnostique est exclusivement tournée vers l’intérieur de lui-même.
Il est sans doute trop tôt pour que nous acceptions une telle vision du monde, et trop tard pour que l’humanité ait le temps d’y trouver son salut :
« L’homme machine pour qui tout dépend des influences extérieures, qui ne fait rien mais pour qui tout arrive, n’a aucun avenir… "Il n’est que poussière et retourne à la poussière"… S’il y a dans l’homme quelque chose qui puisse résister aux influences extérieures, alors cette chose pourra résister aussi à la mort du corps physique.
« S’il y a quoi que ce soit dans un homme, cela peut survivre. S’il n’y a rien, alors rien ne peut survivre.
« S’il y a cette cristallisation, cette fusion et cette résistance par rapport aux influences extérieures, alors cette cristallisation continue dans le "corps astral" ou avec l’aide du "corps astral"…
Cela s’acquiert par un travail intérieur terriblement dur… Si rien n’est sacrifié, rien n’est obtenu. L’homme ne naît pas avec un "corps astral". Un tout petit nombre d’hommes seulement en acquièrent un. » P. D. Ouspensky, op.cit.
Qu’est-ce que cette « cristallisation » ? C’est notre identité véritable, en accord avec notre nature profonde. Elle résulte du tri entre d’un côté ce qui est vraiment en nous et que nous avons nourri, et ce qui a été importé de l’extérieur, par le conditionnement familial, social et religieux. C’est quelque chose dont tous les éléments sont cohérents et forment un « plus » par rapport à la somme des parties. Alors que les éléments de l’être social sont dispersés, et incapables de former une unité : l’Un, cohérent peut fusionner dans le Tout.
Cette « cristallisat
ion », c’est ce que nous devons construire par un « travail » ; ce n’est qu’ainsi que nous devenons unique, et pouvons alors, nous offrir à l’univers. Car tout ce qui est, est un don à la cohérence du Tout. Rappelons que dans l’univers, rien n’est isolé, autonome.
C’est ce qui est exprimé dans le Logion 88 de l’Évangile selon Thomas où il est dit que nul ne peut recevoir, s’il ne possède rien à donner. De même ceux qui croient savoir, ne peuvent rein recevoir.
Pour les occultistes, le plan astral, ou le plan causal, est une dimension vibratoire si élevée, que l’énergie qu’elle représente, perdure après la mort. Certains parlent de corps physique, de « corps éthérique » et de « corps astral ». En fait si on adhère à la possibilité d’une telle évolution, il suffit de n’y voir qu’une différence de vibration.
Mais il n’y a en fait, qu’un seul monde, l’Unique, composé d’une infinité de plans qui ne sont que des degrés de condensation et de vibration de l’énergie ; à chaque fréquence de vibration, correspond un plan.
Nous faisons tous partie d’un seul champ d’énergie. Nous ne faisons qu’un. Et tous les aspects de l’énergie sont en interaction les uns avec les autres et s’influencent mutuellement.
Nos pensées, nos sentiments et donc nos actions ne sont pas autonomes.
« La connaissance [dans le sens de gnose], comme tout dans l’univers, est matérielle, donc limitée… Elle ne peut être distribuée à tous : éparpillée, elle n’aurait plus aucun effet sur la vie de chacun. Si la connaissance devait être donnée à tout le monde, personne ne recevrait rien. Si elle est réservée à un petit nombre, chacun en recevra assez, non seulement pour garder ce qu’il reçoit, mais pour l’accroître… Il n’y a pas d’injustice parce que cette connaissance n’est pas réclamée. Elle n’intéresse pas la grande majorité. Ceux qui recherchent la connaissance et la trouvent, ne privent personne ; ils ne prennent que ce que les autres ont rejeté comme inutile… » P. D. Ouspensky, op.cit.
Ce qui éclaire cette parole de Jésus « Ne jetez pas les perles aux pourceaux, de peur qu’ils ne les détruisent. » Matthieu 7,6.
Mais à l’époque d’Ouspensky (1878-1947), la terre n’était pas encore en danger avec sept et bientôt dix milliards d’humains, super-prédateurs, incapables de changer leurs modes de vie, tant ils ont été endoctrinés par les médias des « décideurs » et les hommes politiques, tous esclaves de leurs instincts de mâles, et donc menés par l’attrait du pouvoir et du profit, des âpres au gain, des vassaux de Mammon, des adorateurs du Veau d’or. Ils sont incapables de cesser de se mettre en danger par leurs inventions et par leur nombre, tout en mettant en péril la vie sur la terre elle-même. Il
y a un siècle, l’homme ne s’était pas encore servi de la science pour détruire son environnement, avec l’aide de la propagation effrénée et antinaturelle de son espèce. Il est de toute façon déjà trop tard pour tenter cette expérience d’élitisme spirituel !
Pourtant, selon Gérard de Sède,
« Un troubadour avait jadis prophétisé, alors que les bûchers [des cathares] fumaient encore [en mars 1244] :
" Al cap de sèt cents ans verdejara lo laurel"
(Au bout de sept cents ans, le laurier reverdira…) »
Il s’agirait de Guilhem Bélibaste, un « Parfait » brûlé en 1321 à Villerouge-Termenes.
Et n’est-ce pas justement en 1945 près de Nag Hammadi en Égypte, que furent retrouvés entre autres, les Évangiles apocryphes de Thomas et de Philippe,
qui révèlent que le christianisme primitif était gnostique, et ouvrent peut être la voie à un renouveau spirituel ?
Ces écrits religieux et philosophiques furent cachés au IVè siècle, lorsque le concile de Nicée décréta quels étaient les textes reconnus par l’Église et ceux qui devaient être détruits. Ils furent redécouverts exactement 700 ans après la chute de Montségur.
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