La conquête patriarcale

   

        Le « renversement des valeurs »

    Le respect dû à la Mère ayant disparu, les hommes se laissent aller à la violence. La fabrication des armes, les querelles et les guerres sont justifiées par les héros, sous le prétexte qu’ils sont aidés des dieux, pour immortaliser leurs noms par des combats et asseoir leur dynastie par leur fils.

     « On voit s’opposer constamment dans les mythes, les attitudes guerrières, destructrices des champions de l’ordre patriarcal, et l’attitude protectrice de la déesse, qui se révèle ouvertement comme la Mère bienveillante de tous les éléments qui composent le monde. » Françoise Gange

    Le mépris généralisé de la nature marque le passage du monde de la déesse à celui des dieux mâles.

    Si la femme, à travers la déesse Mère est la source de la vie, l’homme dans cette recherche de l’immortalité est source de mort. Achille, symbole même du « héros », ne craint pas la mort parce que pour lui, la notoriété et le souvenir de son nom par delà les siècles, sont bien plus importants que sa vie. 

    « Aucune espèce animale n’apporte à la mort plus de frénésie que l’homme. Aucune ne s’épuise ni ne s’entre-tue davantage. Chez l’animal, il n’y a que les instincts qui s’affrontent ; chez l’homme, il y a les idées. Une croyance qui diffère porte en soi un ordre de mort. Tout idéal est un prétexte à tuer. » René Quinton (1866-1925), Maximes.

    Dans la nature, ce qui pousse le mâle à dominer n’est en rien rationnel, c’est l’instinct qui pousse le faible à attaquer plus fort que lui ; la nature se moque bien de son sort, puisque cet affrontement n’a qu’un seul but : la sélection de l’espèce (la sélection des gènes dit même Richard Dawkins, même s’il y a encore quelque chose derrière les gènes). De même le mental masculin bien loin de la sagesse stoïcienne, croit toujours pouvoir agir, même lorsque c’est hors de raison ; c’est pourquoi il a inventé les armes, dont les plus dangereuses sont les systèmes idéologiques.

    L’ancienne histoire est effacée par les nouveaux maîtres qui, à partir de leur prise de pouvoir écrivent la leur :

    « Au Commencement (Bêrêchîth), Dieu créa le ciel et la terre… » Genèse, 1. Avant eux il n’y aurait eu que le Chaos, le Tohu-bohu. Ils inversent les valeurs, s’arrogeant la Création pour mieux la dominer.

    La Bible exprime très bien ce « renversement des valeurs ». Alors que le serpent est le symbole de la sagesse de la Mère, qu’il est l’emblème vital des religions cananéennes, rejetées par les Hébreux, la Bible va faire d’Ève l’alliée de Satan, du Mal. Ce n’est pas grâce au Serpent, mais par Yahvé, que l’homme, prenant  « connaissance » de son rôle dans la procréation, sort alors de sa torpeur et prend conscience que la déesse Mère est une « superstition », puisque sans le mâle la femelle est stérile. Il démonise alors le symbole de la Mère, le Serpent, ainsi que la femme en général.

    L’un des exemples de l’inversion des valeurs après la prise du pouvoir par les mâles, se trouve aussi dans le récit du Déluge mésopotamien, où l’oiseau qui rapporte un rameau d’olivier est un corbeau, et dans la Bible, une colombe. La couleur noire ne symbolisait pas la mort mais la fertilité et la terre riche (rappelons que l’agriculture fut inventée à l’époque du culte de la déesse Mère). Le blanc en revanche symbolisait les os, donc la mort, mais les symboles de la mort n’éclipsaient pas ceux de la vie, ils étaient toujours associés à ceux de régénération, de renouveau, de renaissance.

    Dans la Bible, ce qui est décrit comme le paradis (mot d’origine perse qui désignait les jardins des rois de Mésopotamie), c’est l’âge d’or durant lequel, selon Platon, une race d’êtres androgynes étaient si puissants que les dieux craignant pour leur suprématie, les séparèrent en deux parties, l’une « mâle », et l’autre « femelle ». Ensuite vint l’âge d’argent, l’âge des équilibres, l’âge de l’harmonie avec la nature, c’est le temps où régnait la déesse Mère. Un âge bien sûr idéalisé, mais où devait régner une relative paix par rapport au temps d’après. D’ailleurs Adam et Ève y vivent nus ; une séquence dont l’origine, comme nous l’avons déjà dit, est babylonienne et inconcevable pour les Hébreux. Après la chute, ils seront définitivement couverts selon la tradition hébraïque, et pour des millénaires de puritanisme judéo-chrétien, avec son lot gigantesque de frustrations, de complexes et de culpabilité. En fait, c’est Adam qui a créé Yahvé pour justifier sa prise de pouvoir sur la femme ! C’est ainsi que Yahvé met dans sa bouche divine des paroles de malédiction qui ne sont en fait que le détournement de la prophétie du Serpent (symbole les défenseurs de la déesse Mère), sur la fin de cette ère d’innocence, de paix et d’harmonie avec la nature, après l’asservissement de la déesse et l’usurpation de ses pouvoirs par le dieu Mâle.

C’est ainsi que Yahvé met dans sa bouche divine des paroles de malédiction qui ne sont en fait que le détournement de la prophétie du Serpent (symbole les défenseurs de la déesse Mère), sur la fin de cette ère d’innocence, de paix et d’harmonie avec la nature, après l’asservissement de la déesse et l’usurpation de ses pouvoirs par le dieu Mâle.

    Selon le Talmud et le Zohar, la première femme d’Adam, Lilith  n’a pas accepté la domination de l’homme. C’était la Mère primordiale, détentrice de l’autorité. Lilith a été évincée, démonisée, au profit d’Ève, plus docile (selon le prophète Isaïe).

    Le mythe de Lilith ( la Ghula chez les Arabes, al-Lat chez les préislamiques) trouve son origine dans celui de Lil et de Lamme (sumérien), Lamashtu (akkadien), déesse sumérienne, « fossile mythologique provenant d’un substrat socio-religieux archaïque. » Jacques Bril, Lilith ou la Mère obscure.

    Lilith est le premier symbole de l’inversion des valeurs, puisque, de déesse primordiale, les nouveaux dieux mâles l’ont transformée en fille diabolique du grand dieu Anu. Lamashtu-Lilith est expulsée des cieux par son père et rejoint les démons et les animaux sauvages. Pour se venger des dieux, elle s’attaque aux nourrissons, donc aux innocents, qui n’ont pas encore pu commettre de faute contre les dieux. La tradition la rend responsable des maladies et de la mort des nouveau-nés. La mortalité infantile étant importante à cette époque, c’est donc l’ancienne grande Mère, Donneuse de vie, qui se retrouve responsable de la mort des enfants. 

    La mort d’un enfant est souffrance, mais acceptée, osons dire, « stoïquement » par la mère, parce que c’est la loi de la nature. Le mâle dominateur va trouver dans la femme, le bouc émissaire, la sorcière, pour expliquer la mort de son héritier ; l’échec de sa tentative de continuité. Il lui faut un coupable, car il n’accepte pas cette limite à son désir d’immortalité.

    Plus généralement, « Pour exorciser la culpabilité du mâle, [qui a usurpé le pouvoir de la Mère] il est nécessaire de transformer l’ancien objet en démon (mariage mythique de Lilith avec Samaël, chef des anges déchus, et défenseur de l’égalité entre homme et femme)… » Ibid.

    Nous avons vu que pour les gnostiques, c’est là qu’est le péché originel, l’usurpation du pouvoir absolu par Adam, alors qu’à l’origine, ce pouvoir était partagé avec Lilith.

    On peut donc penser que c’est Adam qui remplaça la déesse Mère par un nouveau Dieu accaparant tous les pouvoirs, le Grand Patriarcal, le Mâle dans toute sa splendeur, déniant à la femme toute qualité autre que celle de la maternité.

    C’est ainsi que Moïse brandit les Tables de la Loi d’Yahvé, le Dieu qui châtie impitoyablement ceux qui l’enfreignent ; mais seule la femme est lapidée en cas d’adultère.

    Sigmund Freud en essayant de comprendre les névroses de l’homme civilisé, par le meurtre du Père, en l’occurrence Moïse, figure du père totémique, s’est trompé de victime ; dans l’inconscient collectif, c’est le souvenir du meurtre de la Mère, qui devrait plutôt culpabiliser l’homme. Le meurtre de la Mère, une dette que nous payons depuis la fin du néolithique et jusqu’à quand encore ?

    Notons que la première version de la création de l’homme et de la femme, dans la Bible a été occultée par les religions du Livre :

« Dieu créa l’homme à son image ; mâle et femelle il les créa. » Genèse I, 27.

    C’est à dire que l’homme et la femme avaient le même statut, ils étaient égaux en droit. Comme dans la création de l’homme par les dieux sumériens. Nintu, la déesse Mère crée une matrice dont vont naître les sept premiers hommes et une matrice dont vont naître les sept premières femmes, sans aucune distinction, sans aucune hiérarchie, sans opposition.

    Or dans Genèse II , Dieu crée Ève en second lieu, à partir d’une côte d’Adam, après avoir installé celui-ci dans le paradis :

    « Le Seigneur Dieu forma l’homme avec la terre, et il lui insuffla dans les narines un souffle de vie… » (II, 7).

    « Le Seigneur Dieu prit donc l’homme et le plaça dans le jardin d’Éden pour le cultiver et le garder… » (II, 15).

    « Le Seigneur Dieu dit "Il n’est pas bon que l’homme soit seul, je vais lui procurer une aide qui lui soit assortie" » (II, 18).

    La femme n’aurait donc été créée qu’en fonction des besoins de l’homme et afin qu’elle lui apporte son aide !

 

« La différence radicale et le conflit latent entre les sexes est bien une idée du monde judéo-chrétien. » Robert Blanchard, Paradis introuvables.

    Dans la Bible, il est aisé de différencier la partie qui, entre les lignes, révèle la mentalité de l’humanité au temps de la grande Mère, dans le premier chapitre de la Genèse, avant le déluge :

    « Dieu dit "Je vous donne toute herbe portant semence sur toute la surface de la terre, ainsi que tous les arbres fruitiers portant semence ; ce sera votre nourriture" ». (I, 29).

    Et la mentalité dominatrice et conquérante de l’humanité guidée par Yahvé dans le neuvième chapitre, après le déluge (et que nous avons déjà cités en partie) :

    « Dieu bénit Noé et ses fils : "Soyez féconds leur dit-il, multipliez-vous et remplissez la terre. Vous serez un objet de crainte et d’effroi pour tout animal de la terre, tout oiseau du ciel, tout ce qui rampe sur le sol et tous les poissons de la mer : ils sont livrés entre vos mains. Tout ce qui se meut et vit vous servira de nourriture ; je vous donne tout cela comme je vous avais donné l’herbe verte…" » ( IX, 1-3).

    Une différence qui révèle également le passage de l’économie de cueillette, puis agricole, à une économie de chasse et d’élevage.

    Le monde vivant sous les auspices de la grande Mère, a été submergé par le déluge ; c’est à dire que tous ses défenseurs, tous ceux qui luttaient pour préserver les valeurs de la Mère ont été anéantis.

Les nouveaux dieux font de l’homme sa créature privilégiée. Le reste du monde vivant n’aurait été créé que pour satisfaire ses besoins. La nature est offerte en pâture aux instincts dominateurs et à l’arrogance des mâles. N’en déplaise aux bonnes âmes, c’est de cette conception de l’homme qu’est né l’« humanisme » ; comme si l’homme faisait « deux » avec la nature, une stupidité déjà révélée, comme nous l’avons vu,  par Spinoza (1632-1677), alors que Francis Bacon (1561-1626) avait déjà exprimé les méfaits à venir de la science moderne :

« Nous mettrons la Nature au supplice, et nous lui arracherons ses secrets ».

C’est cette même volonté de dominer la nature qui a amené les colons d’Amérique à exterminer les Peaux Rouges :

 

« Ils n’avaient cessé de proclamer qu’ils ne pouvaient pas plus vendre leur terre que les nuages qui parcourent paresseusement le ciel, que la Terre était – et est toujours – leur Mère, et que le Ciel était – et qu’il est toujours – leur Père. Hélas […] la religion de l’époque, en accord avec la science, affirmait le droit de l’homme à asseoir et exercer sa domination sur toutes les créatures de la planète. » Adele Getty, La Déesse, Mère de la Nature vivante.

 

Pour Adele Getty, c’est encore Gaïa, la Déesse Mère qui ici est livrée au pouvoir des mâles.  

    À l’inverse la sagesse de la pensée de la Chine ancienne (donc avant le communisme), relie toujours l’homme à la nature, parce que « la nature ne forme qu’un seul règne ». C’est le sentiment intime de l’unité du monde. Voltaire trouvait la Chine raisonnable, « parce qu’aucun préjugé théologique ne poussait les Chinois à imaginer que l’homme formait à lui seul dans la nature, un règne mystérieux ».

« Ceux qui continuent de penser que le développement technique doit suivre son cours que nous l’aimions ou pas se trompent tant au point de vue historique qu’empirique. Par exemple, pourquoi la Chine ancienne n’a-t-elle pas changé les structures sociales ? Une société est capable de rejeter une technique "plus avancée" ou "plus élevée" sur la base de ses conséquences sociales (ou autres). La Chine a rejeté le système bancaire et certaines techniques agricoles pour ces raisons précises. L’absence d’évaluations critiques de la technique est un présage de dissolution sociale. Une technique doit être testée culturellement.

[…] Dans les pays industrialisés […] la technologie est choisie sans aucune prise en compte de la société considérée comme un tout.

[…] Les objectifs de l’écologie profonde n’impliquent aucune dépréciation de la technologie ou de l’industrie, mais implique un contrôle culturel général du développement. » Arne Næss, Écologie, communauté et style de vie (pages 151 et 161).

    La conception biblique du monde est aux antipodes du respect sacré que montre la grande Mère à l’égard du Grand Tout.

Et en effet, c’est à partir de ce transfert de pouvoir, de cet « humanisme », que l’humanité s’engagera dans la voie du malheur, de l’apparition des guerres pour l’appropriation des biens par un petit nombre.

    Après deux mille ans d’idées stupides imposées par la force, les chercheurs commencent à admettre « que les animaux ont eux aussi des comportements symboliques et des capacités de catégorisation, qu’ils se transmettent des savoir-faire… [ce qui ruine] la sacro-sainte foi humaniste et toujours quelque peu créationniste que nous avons dans l’unicité et la prééminence de notre espèce… » Elisabeth de Fontenay,  Le silence des bêtes.

« Tous les êtres, dans le monde, possèdent une vie de même qualité que la nôtre. Il n’y a pas de nobles et de vils, mais les uns surpassent les autres par la taille, la ruse et la force, et non pas parce que les uns seraient nés pour les autres. Ce que l’homme trouve comestible, il le mange. Ce n’est pas que cela ait été créé à l’origine par le ciel pour les hommes. Les moustiques provoquent sur notre peau des piqûres, les tigres nous dévorent. Cela ne signifie nullement que le ciel a produit à l’origine l’homme pour les moustiques et les tigres » Lie-Tseu, (env 350 av.-J.-C.) Le Vrai Classique du vide parfait.

 

    « Si tous les animaux savent ressentir les mêmes choses que les hommes, nous devrions les traiter comme nos congénères. Les sciences naturelles nous montrent partout cette grande unité entre les hommes et le monde. Et nous devrions arrêter d’utiliser la technique pour des objectifs contraires à ceux que nous devrions atteindre. 

[…] Entre le Pakistan islamique et l’Inde, il n’y a qu’un espace de quelques kilomètres de no man’s land ; mais, spirituellement, il y a un gouffre infini entre l’anthropocentrisme biblique et la pensée orientale de l’unicité, et ce gouffre n’est nulle part plus évident que dans le comportement vis-à-vis des animaux », (page 76).

[…]Adam est mis en présence des animaux envoyés par Dieu et leur donne des noms (Genèse 2,19). Ce trait du récit biblique de la Création est si clairement non hébraïque et reflète avec une telle évidence une mémoire humaine des temps primitifs que c’est à nous couper le souffle : le message d’une humanité de l’homme, pour qui les animaux ont été les partenaires d’un dialogue.

[…] Du côté de l’exégèse, on s’est encore borné à n’y voir que l’exercice d’un pouvoir (par la magie des noms), alors qu’en vérité, il s’agit bien plus d’une perception de l’essence des êtres vivants. De la même façon que Platon dans son Cratyle, a mis en avant la conviction selon laquelle chaque chose possède la dénomination qui lui revient par nature, les êtres humains devraient, selon les mythes des peuples consacrés à l’origine, apprendre d’abord à écouter la voix intérieure, la musique, les exigences propres aux choses et aux êtres vivants, à l’image d’un Orphée, d’un François d’Assise qui comprennent ce que les animaux, les arbres, les fleurs ont à leur dire et qui savent en rendre compte par le chant et la parole », (page 83). Eugen Drewermann, Le progrès meurtrier.

    Pour le paléoanthropologue Pascal Picq, « tous ceux qui se sont intéressés aux grands singes ont observé des attitudes, des comportements qui expriment l’empathie, la sympathie, l’anticipation, la réconciliation, la médiation, l’animosité, la solidarité, la transmission et même des notions de bien et de mal… si les différences des grands singes avec les hommes demeurent considérables, elles sont de degré et non de nature ».

    À chaque fois, c’est à la suite de l’intervention d’un dieu mâle, que dans les mythologies, les femmes perdent dans des combats sanglants, leurs pouvoirs ou l’égalité d’avec les hommes. Petit à petit la grande déité fait place à une quantité de déesses spécifiques (amour, fécondité, agriculture) qui se mettent sous l’autorité de dieux mâles, comme filles ou comme épouses.

    « La marche de la grande histoire de l’humanité n’est pas allée des polythéismes vers le monothéisme, mais du monothéisme féminin au monothéisme viril en passant par des polythéismes de transition, scindant la déesse en avatars multiples afin de l’ensevelir par le moyen de "dieux-époux" qu’on lui accolait selon les nouvelles normes de la société patriarcale, dont la base était l’institution du mariage : union de l’homme dominant et de la femme dominée. » Françoise Gange, op.cit.

    C’est ainsi que les mâles conservèrent  le culte des déesses, d’Ishtar à Vénus en passant par Isis, pour diviniser le plaisir et la procréation.

    « Les royaumes gouvernés par des reines ont semble-t-il, précédé les royaumes gouvernés par les rois, dans tous les territoires de langue grecque…

    « Toute l’Europe néolithique, à en juger par les mythes et les légendes qui ont survécu, possédait des conceptions religieuses remarquablement cohérentes fondées sur le culte de la déesse-Mère, aux noms divers que l’on connaissait aussi en Syrie et en Libye. » Robert Graves, Les mythes grecs.

Robert Graves (1895-1985), essayiste et romancier britannique, confronte, dans cette somme, la mythologie aux découvertes archéologiques et anthropologiques. N’étant pas sorti du sérail universitaire, certains, surtout en France, lui reprochent son évhémérisme, c’est à dire, sa façon de concevoir les personnages de la mythologie comme des êtres humains divinisés après leur mort. Une divinisation des héros dont l’objectif est de légitimer le pouvoir des nouveaux maîtres. C’est pourtant la seule interprétation qui donne une cohérence à ces légendes, qui sinon, demeurent aussi incompréhensibles qu’abracadabrantes. De plus, les multiples références aux textes des époques archaïque et classique, font que tout un chacun peut vérifier par lui-même ces interprétations, qui en valent bien d’autres.

     « La production artistique de la Crète minoenne (IIIe - IIe millénaire av. J.-C.) est un véritable hommage à la Grande Déesse, hommage plein d’une exubérance débridée. Les poteries et les fresques aux couleurs exquises dépeignent, dans un style plein d’élégance et de liberté, les pratiques cérémonielles d’alors, ainsi que les beautés merveilleuses de la nature. Elles expriment une joie inhérente au mystère même de l’existence, qui reflète sûrement cette relation harmonieuse à la vie dont les Crétois faisaient l’expérience jusque dans leurs activités quotidiennes. Adele Getty, La Déesse, Mère de la Nature vivante.

  

    Déjà selon Johann Jacob Bachofen (1815-1887), la Grèce  connaissait une tradition matriarcale avant l’invasion de la péninsule par les Achéens, venus de la Thessalie au début du deuxième millénaire avant jésus-Christ.

    Et c’est justement en Thessalie déjà que la femme est démonisée et présentée sous l’aspect de sorcière. La femme y est dépeinte comme perdue de désirs, un monstre d’immoralité lorsqu’elle est laissée à elle-même. Ces sorcières qui volaient les enfants on les appelait des lamies, des stryges, des empuses. On les retrouve dans les mythes de Médée et de Circé. Circé, magicienne empoisonne son époux ; femme vicieuse elle dégrade et avilit ses amants ; Médée, femme sans cœur, cruelle, perverse, emportée par la passion brutale, tue son frère et égorge ses propres enfants. Ces ignominies n’ont qu’un seul but, montrer ce qu’il advint des femmes qui veulent s’initier elles-mêmes à des sciences défendues en se mettant au-dessus des devoirs de leur sexe, comme on disait encore il y a peu. Il s’agit donc d’interdire aux femmes de s’intéresser à la magie, à la science des plantes, à la philosophie ou à la religion.

    À la différence de l’époque de la grande Mère, c’est le dieu mâle qui est représenté avec ses attributs sexuels, qui sont donc sacralisés, alors que la déesse est maintenant montrée enveloppées de « draperies mouillées » afin d’atténuer sa sensualité.

    « Les légendes homériques sont l’histoire des haines, des convoitises des rivalités et des luttes qui éclatèrent entre parents et enfants et entre frères, dès que les biens et le rang, au lieu d'être transmis par la mère, commencèrent à l'être par le père. » Paul Lafargue, revue "Le Socialiste ", du 4 septembre 1886.

   Paul Lafargue fait une lecture très intéressante de l’Orestie, la trilogie d’Eschyle (526-456). Clytemnestre tue Agamemnon parce qu’il a tué sa fille Iphigénie. Il a versé le sang de la mère. Dans la tradition matrilinéaire, un tel crime ne peut rester impuni, et nécessite le meurtre du criminel. Les Euménides, les « bienveillantes », des déesses chargées de punir les matricides, approuvent la vengeance ; d’après la loi antique, et en fonction de la filiation maternelle, le père et le fils appartiennent à des clans différents : ils peuvent donc s’entre-tuer, sans qu’il y ait parricide ou infanticide. Or Apollon, le nouveau dieu, demande à Oreste de venger son père et de tuer Clytemnestre sa mère.  À partir de ce moment, ce n’est plus le meurtre de la mère qui doit être puni, mais celui du père. Et ce ne sont plus les Euménides, les déesses qui vont en décider, mais l’assemblée des hommes, l’Aréopage, institué par Athéna (Minerve), symbole de la paternité, puisqu’elle n’est pas née d’une femme, mais est sortie, adulte et toute armée, du crâne de Zeus (Jupiter).  C’est donc la société qui se charge de la punition des crimes, laissée jusqu’alors aux membres de la lignée de la mère.

    « Le rôle des Euménides est fini. La femme est descendue de son rang supérieur… La mère n’est plus qu’une capsule enfermant le germe… Le fils n’appartiendra plus à la mère, il lui commandera… Et un crime nouveau était né : l’adultère. »  Ibid.

    Les Euménides deviendront alors des monstres, les Érynies. Et Apollon, comme Enki dans la mythologie sumérienne antérieure,  n’a plus qu’à s’emparer des pouvoirs et des traditions chamaniques des divinités féminines, en particulier de leurs connaissances des plantes médicinales.

    La « guerre de Troie » symbolise également la fin de l’organisation sociale de Vie et son remplacement par la civilisation de la Mort. Le pouvoir est passé dans les mains des mâles qui, pour s’approprier Hélène, la dompter, la réduire en épouse et servante, se livrent des combats sanglants, et devront ainsi dominer l’autre, jusqu’à la fin des temps, que ce soit par la force ou par la ruse.

    Héraclès va s’opposer à Héra, la grande déesse préhellénique. Dès le berceau, il tue les serpents, prétendument déposés par Héra, et en fait, symboles du pouvoir de la déesse. Puis il s’attaque aux douze travaux, c’est à dire à la destruction des protecteurs de la déesse : le lion de Némée, l’hydre de Lerne, les Amazones et autres taureaux et oiseaux sacrés. De même, Zeus précipita au fond des enfers, Typhon, prétendu monstre, en réalité, défenseur de Héra-Gaïa. Le serpent était également le symbole de la sagesse, de l’Esprit- Mère. Il fut aussi le symbole de Thot, d’Hermès, d’Esculape avant d’être démonisé par les religions monothéistes. Le dragon est un animal sacré au Japon, en Inde et dans les mythologies germaniques et celtiques.

« Les Ioniens, venus d’Asie, sont ceux que les Indous (Hindous) appelaient les Yavanas, c’est à dire ceux qui adorent Iona, la faculté féminine de la divinité et les puissances réceptives de la nature féconde. Ces peuples préféraient donc aux dieux mâles, les déesses, Cybèle la Terre-mère, la voluptueuse Astarté et la changeante Hécate. […]

Ces Ioniens se trouvèrent face à face dans l’Hellade, avec les Doriens , race guerrière et rude, venue du Nord, des froides plaines de la Scythie à travers les monts chevelus de la Thrace. […] La lutte entre les Ioniens et les Doriens, qui s’exacerbe dans la rivalité d’Athènes et de Sparte et dans la désastreuse guerre du Péloponnèse, fait le fond même de l’histoire grecque et remplit toute sa durée de ses fastes sanglants » Édouard Schure, L’évolution divine du Sphinx au Christ.

    « Il existe en Grèce comme ailleurs, un foisonnement de versions différentes d’un même mythe qui témoigne des modifications intervenues au fil du glissement idéologique, de plus en plus patriarcal  »

    « La mythologie grecque mettait en scène une époque historique précise : celle de la guerre de conquête contre l’antique culture du divin féminin : c’est la longue mise en place des dieux patriarcaux qui y est racontée. » Françoise Gange, op.cit.

    Pourquoi cette interprétation de la mythologie grecque n’était-elle pas enseignée ? Parce que lors de son renouveau à la Renaissance, ses racines orientales ayant été ignorées, cela a donné lieu à de nombreux contresens, aujourd’hui encore dans les esprits.

À partir de la mise en place des dieux patriarcaux, la femme cesse d’être l’égale de l’homme. À part quelques hétaïres et dans le « Jardin » d’Épicure, peu de femmes seront admises dans les écoles ou académies des penseurs grecs. Au IVe siècle av. J.-C. le pseudo-Démosthène proclamait devant les citoyens assemblés en tribunal :

 

«  Nous avons les courtisanes en vue du plaisir, les concubines pour nous fournir les soins journaliers, les épouses pour qu’elles donnent des enfants légitimes et soient les gardiennes fidèles de notre intérieur ».

 

Et Aristote : «  La nature a fait deux parties distinctes : l’une pour commander (l’homme), l’autre pour obéir (la femme, l’enfant, l’esclave) ; et leurs qualités sont bien diverses, l’une étant douée de raison, l’autre en étant privée ».

 

L’on peut également trouver dans le Timée de Platon :

« Ce sont les mâles  seulement qui sont créés directement par les dieux et à qui l’âme est donnée. Ceux qui vivent avec droiture retournent vers les étoiles, mais ceux qui sont lâches, on peut supposer avec raison qu’ils ont acquis la nature des femmes à la seconde génération [Platon croit à la métempsycose]. Dans cette situation, ce sont évidemment seulement les hommes qui sont des êtres humains complets et qui peuvent espérer l’accomplissement ultime, ce qu’une femme peut espérer au mieux c’est de devenir homme ». 

 

Les Pères de l’Église, influencés par Platon, trouveront là encore du grain à moudre pour leur irréductible misogynie.

    En arabe, Inanna, l’Aphrodite sumérienne, s’appelle Alat, elle sera proscrite par le  Coran comme al-‘Uzza et Manat. Dans une première version du Coran, Muhammad aurait demandé de  rendre un culte à ces déesses préislamiques. Ces versets furent abrogés et appelés versets sataniques.

 

« Avez-vous considéré al-Lat et al-‘Uzza,

   et l’autre Manat, la troisième ?

   […] Ce ne sont vraiment pas des noms

   Que vous et vos pères leur avez attribués.

   Dieu ne leur accorde aucun pouvoir ».

     Le Coran, sourate LIII 19-23)

 

Manat, à l’instar de Nintu était la déesse des destins.

Quant à Anat, déesse sémitique de Palestine, elle sera recyclée en épouse de Baal qui s’accapare de son pouvoir de fertilité, et se fait appeler à sa place, « le Seigneur des sillons des champs », après avoir vaincu un serpent monstrueux nommé Léviathan, encore un symbole de la déesse Mère (épisode révélé par les fouilles de Ras-Shamra, ancienne Ugarit). C’est un comportement  récurrent dans l’histoire du patriarcat, de diaboliser son ennemi, afin de justifier les pires exactions à son encontre.

À noter une fois de plus que les rédacteurs de la Bible s’inspireront de ces récits mythiques antérieurs : 

    « … Yahvé châtiera avec son épée dure, grande et forte, Léviathan, le serpent fuyard, Léviathan, le serpent tortueux, il tuera le dragon qui habite la mer. » Isaïe 27,1.

    « Réveille-toi, Seigneur, réveille-toi vite et agis avec vigueur. Réveille-toi comme autrefois, dans le lointain passé. N’est-ce pas toi qui abattis le monstre Rahab, le dragon des mers ? » Isaïe 51, 9.

    En effet, Léviathan, symbole de la grande Mère, ressurgit sans cesse dans la mémoire et le cœur du peuple hébreu.

    En Anatolie, Wurudemu, déesse d’Arinna, perd son pouvoir de redistribution lorsque le dieu Tammouz, jusque-là son subordonné, disparaît en emportant tout le grain. C’est une constante chez les nouveaux maîtres, de s’attribuer toutes les richesses, alors qu’avant, récoltes et biens étaient répartis par la communauté.

« Le patriarcat [n’apparaît] qu’avec la cellule familiale proprement dite et l’héritage ». Françoise d’Eaubonne, Les femmes avant le patriarcat.

    Avant la première dynastie en Égypte, la grande déesse NEIT était « la Mère de tous les dieux », qui gouvernait le ciel, la terre et le séjour des morts. Elle était éternelle et s'était créée elle-même, personnifiant dès les temps les plus reculés le principe féminin, créateur de sa propre existence, qui se suffit à lui-même et dont l'action se reconnaît partout. Sous sa forme de mère universelle, NEIT formait le germe des dieux et des hommes, elle était la mère de RA. Horus, tue Seth, le fils et le défenseur de la Mère, et devient le premier monarque mâle.

« Neit […] celle qui fait dire très justement à Ifor Evans, dans The earlier religion of Greece (1931), que "nous sommes en présence d’un culte qui tend au monothéisme et qui donne la première place à une religion féminine". Ce qui, du reste, dément totalement le préjugé courant que le monothéisme apparaît avec le patriarcat des Hébreux ».

« Les femmes d’Égypte usaient sans hypocrisie, non seulement de leur liberté sexuelle, mais de la puissance économique que leur donnait la législation ; l’initiative amoureuse leur était réservée. […] Ni l’institution des danseuses nues pour les fêtes, ni celle de la prostitution officialisée, voire sacrée, n’était une marque de mépris féminin ; il faut attendre le judéo-christianisme pour que les structures mentales de cet ordre s’accompagnent d’une réification sexuelle de la femme […[ Lorsque l’Égypte passa au patriarcat absolu sous l’influence des Hyksos et en raison de l’impérialisme guerrier qui supplanta peu à peu l’heureux isolement d’un passé agraire, des lois apparurent, qui faisaient entrer l’Égyptienne dans le reste du bétail antique des femmes. » P 188

« Comme chez les Ioniens et les Crétois, la femme d’Égypte circule libre, sans chaperon, montre sa nudité ; comme chez les Étrusques, elle participe aux banquets et aux danses, jouit de liberté sexuelle ; comme chez les Celtes, elle choisit son époux ; comme chez les Crétois elle s’adonne à toutes sortes d’activités lucratives et garde souvent la fonction sacralisée de tout ce qui touche aux funérailles et aux rites de la fertilité… » P 189.

 Françoise d’Eaubonne, Les femmes avant le patriarcat.

    Tous les symboles de la déesse furent inversés lors de l’usurpation de ses pouvoirs par les mâles, qui imposèrent un régime pastoral, nomade, de cavaliers avec des dieux guerriers. Le cheval avant d’être la plus belle conquête de l’homme fut assurément, la plus belle conquête du mâle, ce qui lui permit, avec l’invention des armes de métal, de s’emparer du pouvoir de la déesse.

« Certains peuples prétendent que  le cheval est le plus grand ami qu’ils aient eu car, en se hissant sur son dos, ils ont tiré profit de la rapidité de ses jambes, de sa force et de son endurance. Avec cet animal, les humains ont pu parcourir de grandes distances, connaître le monde, élargir leurs savoirs, mais aussi porter la mort à leurs semblables et accaparer leurs biens et leurs terres. La rapidité et la force ont largement servi leur avidité et leur violence. » Pierre Rabhi, Parole de terre.

    En Mésopotamie, Nintu (dame de Ninhursag), signifie en sumérien  Donneuse de vie, (comme Hava en hébreu qui donnera Ève). Comme nous l’avons déjà dit, elle est la déesse Mère, avant l’appropriation de ses pouvoirs par le dieu Enki.

    En Crète ce sera Artémis, qui de déesse sera réduite au rang de « protectrice de la naissance », d’épouse ou de fille d’un dieu, comme Brigit, qui au départ était à la fois mère et fille du Dagda, le père universel du panthéon irlandais. Les images symbolisant les pouvoirs et compétences de la déesse ont alors été diabolisées.

    « Les premières gorgones grecques ne sont pas des symboles terrifiants… elles sont représentées avec des ailes d’abeilles et des serpents en guise d’antennes et sont décorées d’un motif en nid-d’abeilles, autant de symboles manifestes de la régénération. » Marija Gimbutas, op.cit.

Rappelons que les sociétés matrilinéaires sont des sociétés de réciprocité ; elles ne permettent pas l’acquisition d’un pouvoir politique ou l’avènement d’une classe dirigeante. Elles vivent en communautés avec des rituels de redistribution qui n’excluent personne. La coopération était le moteur de ces sociétés et non la concurrence comme dans le système qui l’a remplacé. L’existence humaine n’y est pas séparée des cycles de la nature et il n’y a donc pas comme dans les sociétés patriarcales de dualisme entre Nature et Culture. Il ne peut donc pas y avoir de conflit, de lutte, entre la Nature et la Culture, donc d’exploitation ou de destruction de la Nature.

    Même la Bible recèle le souvenir de ces temps de paix sous l’égide de la déesse Mère. Jérémie interpelle les Judéens résidant en Égypte parce qu’ils rendent hommage à Astarté, la reine du Ciel, alors qu’Yahvé a interdit de rendre un culte à d’autres dieux que Lui. Mais les Judéens répondirent à Jérémie :

    « Ce que tu as dit au nom du seigneur, nous ne l’acceptons pas. De toute façon nous allons remplir nos promesses de brûler de l’encens à la Reine du Ciel et de lui verser des libations, comme nous le faisions, nous et nos pères, nos rois et nos chefs dans les villes de Juda et de Jérusalem. Nous avions alors du pain à satiété, nous étions dans l’abondance et nous ne savions pas ce que c’était que le malheur. Or depuis que  nous avons cessé d’offrir l’encens à la Reine du Ciel et de lui verser des libations, tout nous manque, et nous périssons par le glaive et la famine. » Jérémie, 44, 16 à 18.

Si l’on tient compte de ce « renversement des valeurs », la chute biblique, le péché originel, c’est bien la chute de la déesse Mère.

Contre la lente avancée dans les esprits de la nécessité du retour de ce « Principe féminin » et d’une autre organisation sociale, les apôtres du Nouvel ordre mondial, fondamentalement patriarcal, se font les défenseurs de la théorie du « gender », idéologie officielle en France. Ils affirment que « le sexe biologique nous identifie mâle ou femelle, mais ce n’est pas pour autant que nous pouvons nous qualifier de masculin ou de féminin ». Ils font semblant d’avoir mal compris la formule de Simone de Beauvoir selon laquelle  « on ne nait pas homme ou femme mais on le devient », en fonction  du conditionnement social et religieux. Mais si ce conditionnement dote en effet l’homme et à la femme de fausses valeurs, c’est-à-dire en aucun cas universelles, il n’en demeure pas moins que la biologie obéit à des lois. -
Pour être père il suffit d’éjaculer, pour être mère, il faut porter un enfant pendant neuf mois !-
Même si l’homme, devenu un apprenti sorcier, est malheureusement de plus en plus capable de les modifier.-
En revanche, si la théorie du « gender » signifie qu’en tout homme il y a une femme et vice versa, et qu’il s’agit d’accepter cette bivalence, alors, c’est une évidence que les taoïstes, et Marie-Madeleine dans son « Évangile », avaient révélée bien avant eux.   -
N’en déplaise aux idéologues à la mode, le « Principe féminin » est complémentaire du « Principe masculin », mais ils ne sont pas interchangeables. Dans la nature la femelle n’a pas le même rôle que le mâle, et il n’existe aucune hiérarchie entre eux.-
Et les êtres humains, n’en déplaise aux fanatiques religieux, sont d’abord des animaux, et non des créatures privilégiées d’un hypothétique Dieu. -
Avec courage Nancy Huston ose aller à contre-courant dans Le Monde du 27 juin 2010 : -
 
« Dans Le Deuxième Sexe (1949), Beauvoir réussit ce tour de passe-passe impressionnant : affirmer qu’on ne naît pas femme mais qu’on le devient, qu’au fond la femme n’existe pas mais a été construite par l’homme en tant que son autre radical... tout en prouvant le contraire à longueur de page, montrant, chapitre après chapitre, que l’oppression des femmes est due à leur corps (donc à quelque chose avec quoi elles sont nées) : règles, hormones, grossesses, maternités... » -
 
Ainsi que dans Reflets dans un œil d’homme : -
 
« Pouvoir violer et être violée, ce n’est pas la même chose ; pouvoir engrosser et être engrossée non plus […] Pourquoi les hommes violent-ils les femmes et non l’inverse ? […] Il n’existe pas d’industrie internationale multimilliardaire gérée par des femmes pour vendre à d’autres femmes le corps des hommes ou l’image de ce corps […]-
Si l’on ne croit pas à la différence des sexes, on pourrait utilement faire un tour dans les prions : dans le monde entier, la population carcérale est masculine à 90 % […]-
"Vas-y ma chérie, balade-toi toute seule sur la 42e  Rue à trois heures du matin, et, si jamais quelqu’un essaie de t-embêter, dis-lui que tu as choisi d’être un homme "[…]-
De nos jours, la "liberté" d’un pays se mesure au droit qu’on les hommes de d’exhiber publiquement la chair nue des femmes […]-
Allaitantes, ou avec un bébé aux bras, les femmes sont différentes. Et la société leur dit que non, pas du tout ; elles sont les mêmes, doivent à tout prix rester les mêmes […] On doit certes faire tout ce qui est en notre pouvoir pour atténuer certaines différences entre les sexes ; mais, pour y parvenir, il faudrait mettre les hommes à l’école des femmes et pas seulement l’inverse.»

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