Du « Principe Responsabilité » à la   « décroissance »

        

 

« Les optimistes ont tort, mais ce sont eux qui font tourner le monde » ! (Le responsable de l’exploitation du nickel en Nouvelle-Calédonie)

 

  Le « Principe Responsabilité »

Les maux de la société occidentale européenne sont en partie issus de l’utopie du bon sauvage. Plus qu’une utopie, il s’agit d’un aveuglement, parce que ces penseurs ont toujours voulu nier le rôle de la matrilinéarité des sociétés anciennes. Ils ont voulu croire, par idéologie, que ces sociétés relativement paisibles vivaient sous le régime patriarcal qu’ils connaissaient eux-mêmes, et ils ne voulaient, par orgueil du mâle, en imaginer un autre. Une idéologie qui s’est prise pour une philosophie, alors qu’elle est en contradiction totale avec les faits.

    La prétendue bonté originelle de l'homme, pourrait à la rigueur se concevoir en faisant abstraction de la volonté permanente du mâle à dominer, à conquérir, à combattre rien que par instinct. Or la société humaine vit dans une société patriarcale absolue depuis sept à huit mille ans. Cette prétendue bonté est la rêverie sur laquelle repose aussi bien le libéralisme que le socialisme, les deux piliers branlants d'un monde occidental qui  ne survivra pas à sa folie des grandeurs. Les philosophes des Lumières, avec Jean-Jacques Rousseau en première ligne, ont influencé des générations d’enseignants et d’hommes politiques généreux ou démagogues, en leur faisant croire à la bonté naturelle de l’homme, sans percevoir ni montrer le rôle du déséquilibre entre le pouvoir de l’homme et celui de la femme, et en esquivant les notions de responsabilité et de devoir si peu présentes dans les gènes du premier. Sans doute les êtres humains avant la prééminence du patriarcat absolu vivaient-ils en relative harmonie au sein de leurs clans. Dans la nature, la sélection de l’espèce par l’égoïsme chère à Darwin n’est pas toujours de mise. En fait « la survie du plus apte » de Darwin ne signifie pas la survie du meilleur ou du plus fort, mais la survie du mieux adapté à l’évolution et au changement de son environnement.

De plus en plus de chercheurs relèvent le sacrifice d’animaux, d’insectes, de plantes et de bactéries, pour sauver le groupe. Mais l’homme est un animal dénaturé par les idées, en particulier par les religions, qui ont annihilé en lui la faculté d’écouter et de ressentir ce que dit la nature, c’est-à-dire le monde vivant, à tous les êtres vivants. L’homme, c’est-à-dire le mâle, puisque seul il avait accès au savoir, c’est-à-dire à la Bible, a été formaté par cet enseignement aux antipodes des leçons simples de sagesse que prodigue la nature.

     L’auteur de Émile ou De l’éducation (« l’homme est naturellement bon »), n’a semble-t-il pas pris le soin de bien observer ses propres enfants, en particulier les garçons, au contraire de John Locke :

    « Nous voyons que les enfants, presque aussitôt qu’ils sont nés… pleurent, se dépitent, deviennent chagrins et de mauvaise humeur, seulement pour avoir la liberté de faire tout ce qui leur vient en fantaisie : ils voudraient que les autres se soumissent entièrement à leur volonté. » De l’éducation des enfants.

À la différence de Jean-Jacques Rousseau, pour des penseurs qui vont d’Augustin à Adam Smith (1723-1790) en passant par Thomas Hobbes (1588-1679), « L’homme est un loup pour l’homme », l’homme (en fait le mâle) est mené par son égoïsme,  ses désirs insatiables et sa volonté de domination.

Si le Bouddha conseille le détachement afin de ne pas être esclave de ses pulsions, les auteurs des Lumières, encore très attachés à la notion de péché originel d’Augustin, considèrent qu’en laissant faire la « nature animale » de l’homme, les intérêts contradictoires des uns et des autres créeront l’équilibre. C’est l’action de la main invisible. Cela aurait sans doute été possible en laissant également la « nature animale » de la femme s’exprimer, ce qui n’a jamais été le cas.

En fait la théorie économique du laisser-faire et de la main invisible est totalement en phase avec le darwinisme pur et aussi erronée que lui.

Aucun de ces auteurs n’a observé suffisamment les peuples dits « primitifs », ni la façon de vivre des animaux sauvages ; ils se seraient demandé alors, pourquoi dans la situation de nature,  aucune violence n’est gratuite ni inutile, à la différence de ce qui se passe dans la société des hommes.

Cette pulsion néfaste de toujours vouloir, sans répit,  dominer les autres ne relève aucunement de l’animalité, mais de la culture de ces hommes, c’est à dire les mâles, qui ont pris le pouvoir absolu sur les femmes et sur la nature. L’humanité est sortie de l’état de nature et son Histoire est dégoulinante de sang depuis que dans toutes les décisions humaines, le Principe féminin modérateur a été totalement aboli.

Notons qu’Adam Smith ne pensait pas que toute l’économie devait être régie par la « main invisible ». Au contraire, il a bien précisé, ce que les néolibéraux ont occulté, que l’Etat devait veiller à ce que ce mécanisme n’engendre pas d’effets sociaux néfastes.

La sélection naturelle et la compétition jouent sans doute un rôle dans l’organisation du vivant, mais marginal, le véritable processus de la vie est la coopération, c’est tout l’apport fondamental de James Lovelock et Lynn Margulis ou de Rupert Sheldrake.

« La nature à chaque niveau, a son aspect indéterminé, ouvert, spontané, chaotique, ce qui rend possible son évolution et son développement créatif » Rupert Sheldrake, L’âme de la nature

    Les hommes, qui se retrouvent livrés à eux-mêmes, hors du pouvoir naturel de la Mère, ont dû entrer de force dans les règles des héros du patriarcat.  Mais ces règles, n’étaient pas issues de l’observation de la nature durant des millénaires, mais sorties de leurs instincts de mâles dominants, leur intelligence ne servant qu’à justifier leurs crimes et à protéger les puissants, les propriétaires, de la jalousie du vulgum pecus. C’est ainsi que par volonté de puissance et par démagogie, les hommes politiques en sont venus à tout codifier, tout légiférer, jusqu’à transférer à l’État, aux institutions et aux administrations, le pouvoir de régenter l’ensemble de la vie sociale et d’inciter ainsi les individus, à ne plus se sentir responsables. Or ce sont les hommes qui doivent être responsables de leurs actes en les assumant et non en s’en remettant aux institutions, organismes lourds, sclérosés, mécanismes sans réflexion, structures déshumanisées, souvent archaïques et sans cohérence d’ensemble, et donc, par essence, irresponsables.

Aujourd’hui, même l’État laisse la place à une super bureaucratie européenne quand ce n’est pas à des institutions internationales non élues comme l’OMC.

 

« Kafka est peut-être l’écrivain le plus important du XXe siècle […] Il décrit le destin de l’individu qui est entouré d’une vaste et impénétrable bureaucratie et commence à accepter sa propre personne dans des termes imposés par cette bureaucratie. Aujourd’hui les êtres humains sont dans une position très similaire. Nous sommes entourés par de gigantesques institutions que nous ne pouvons aucunement pénétrer : la City, le système bancaire, les conglomérats politiques et publicitaires, les vastes empires de l’industrie du divertissement. Elles ont réussi à devenir plus conviviales, mais elles définissent les goûts auxquels nous nous conformons. Ce sont des tyrannies plutôt subtiles et obséquieuses, mais elles n’en sont pas moins sinistres. » J. G ; Ballard, Millénaire mode d’emploi.

    Ce manque du sens des responsabilités, chez les êtres humains, fait que chacun se cherche toujours de lâches excuses : les drames de sa petite enfance, la malchance, les autres. Quand tout va bien c’est grâce à Dieu ; quand tout va mal c’est Dieu qui nous puni de nos péchés. Aujourd’hui, si tout va bien c’est grâce au parti politique que nous soutenons, et si ça va mal, c’est à cause de celui que nous combattons.          

La démagogie nous a inculqué le besoin facile de toujours nous croire innocent. Mais à part les nouveau-nés, il n’y a pas d’innocents dans ce monde !

    Des peuples vivent en grand nombre sur des terres régulièrement inondables ou sujettes à des tremblements de terre. Une terre souvent ingrate, incapable de subvenir à leurs besoins, mais ils ne cessent de croître et de se multiplier, jusqu’à ce que le cataclysme naturel vienne les décimer. La nature n’est responsable de rien, elle suit son cours. Elle obéit à des lois immuables. L’homme, lui, bien peu « sapiens », ne semble mené que par la stupidité.  

    Un titre dans le journal « Aujourd’hui en France » du 23 juin 2006 :  « Elle se précipite dans le vide avec ses enfants ».

    Que de souffrances a dû ressentir cette pauvre mère avant d’en arriver à une telle extrémité ! Quelle solitude dans son combat de tous les jours pour survivre, quel isolement dans cet immeuble où chacun la regardait de travers.

    Où est celui qui aurait dû l’aider et la soutenir dans les difficultés ? Où est le père de ces enfants ? Parti, bien-sûr, envolé vers d’autres conquêtes, semant sa progéniture ici et là, sans aucun souci de ses responsabilités… comme certain mâles du règne animal… à la différence aussi de certains mâles du règne animal…

    Et comment une femme peut-elle se laisser engrosser par le premier irresponsable venu, à notre époque, dans ce pays où tous les moyens de contraception sont à la disposition de tous et où l’avortement est légalisé depuis plus de trente ans  ?

    Dans une société matrilinéaire, des drames aussi atroces que celui d’une mère qui se suicide en entraînant ses enfants dans la mort, n’existent pas. Même en discuter relève de la mauvaise foi, de l’hypocrisie la plus criminelle.

    Élever des enfants, ce n’est pas à la portée de n’importe qui : une évidence totalement taboue, impossible à exprimer sans se heurter à des exclamations horrifiées.

« Partout où les femmes ont à la fois le contrôle de leur reproduction et une chance d’améliorer leur sort, elles optent pour le bien-être et la sécurité économique et contre le fait d’avoir beaucoup d’enfants ». Sarah Blaffer Hrdy, Les instincts maternels.

 Ce ne sont pas les femmes qui souhaitent de nombreux enfants alors qu’elles sont dans la misère, ce sont les hommes irresponsables qui les engrossent parce qu’ils n’obéissent qu’à leurs instincts ou à des injonctions divines complètement obsolètes.Pourtant, si ce tabou n’est pas exorcisé, ce n’est plus la peine de dire quoi que ce soit, toute discussion ne peut baigner que dans la pire des hypocrisies. Toutes les autres grandes questions prétendument philosophiques sont dérisoires.

« Il est facile de mettre un enfant au monde, il est plus difficile de le nourrir » disait l’économiste britannique Thomas-Robert Malthus (1766-1834). Il faut réhabiliter Malthus, mis au pilori par les Églises, les Armées, les politiciens véreux, qui n’ont jamais assez de fidèles, de chair à canon et d’électeurs-gogos !

Malthus a publié Essai sur le principe de population (1798) sans nom d’auteur, parce qu’il savait que son livre allait à contre-courant de l’intelligentsia, de la « main invisible » d’Adam Smith (1723-1790), à l’époque, le pape de la théorie libérale. Et en effet il fut critiqué par la grande bourgeoisie et les personnalités politiques et culturelles. Karl Marx et tous les marxistes jusqu’à aujourd’hui dénigrèrent aussi Malthus, puisque la révolution prolétarienne ne peut germer que sur le terreau de la misère. 

En fait seule la petite bourgeoise était en accord avec le malthusianisme, et bien avant Malthus ; de tous temps, la classe moyenne, accédant à un meilleur niveau de vie et à l’éducation, a souhaité avoir moins d’enfants, pour mieux les élever et profiter de leur nouveau confort.

 

Si nous n’avons pas choisi de naître, si nous n’avons pas choisi l’existence, nous pouvons choisir de faire naître ou de ne pas faire naître.

Il ne s’agit pas, ici, de politique nataliste ou antinataliste, de malthusianisme ou d’anti-malthusianisme, d’eugénisme ou d’anti-eugénisme, mais d’une réflexion personnelle sur la « responsabilité » de tout père et de toute mère, sans s’embarrasser des démagogiques faux-semblants sur l’éducation et le niveau de vie, qui relèvent d’un autre débat.

La seule caractéristique évidente qui différencie l’homme de l’animal, c’est qu’il est responsable de sa progéniture.  La pauvreté et le conditionnement ne sont pas des excuses. Celui qui refuse sa responsabilité de père ou de mère, refuse par là même, sa condition d’être humain et il se range ainsi, de lui-même, « en dessous des les animaux » comme disait Diogène.

    La première responsabilité de l’homme, c'est sa responsabilité vis-à-vis de sa progéniture. L’enfant n’ayant pas demandé à naître, toute naissance engage d’abord les parents. Pour Hans Jonas (1903-1993), dans Le Principe Responsabilité, la responsabilité parentale, est la seule qui soit instituée par la nature. Elle ne dépend donc d’aucun consentement préalable, « elle est irrévocable, et non résiliable ; elle est globale ».

Alors que les autres types de responsabilité résultent de l’acceptation d’un contrat ou de rapports de confiance, la prise en charge du devenir du nouveau-né, « était contenue dans l’acte de procréation… [Les parents] sont donc totalement responsables et cela est plus que le devoir communément humain de venir au secours de la misère du prochain, dont le fondement est autre chose que la responsabilité ».

    Encore une évidence mise sous le boisseau par démagogie, avec les résultats qui sautent aux yeux de tous, aujourd’hui.

    N’en déplaise à tous les idéologues de la naïveté, de l’optimisme divinisé et de la religion du laxisme, l’éducation sociale doit s’exercer avant les sept ans, après c’est trop tard. On peut multiplier les éducateurs, cela ne servira à rien. 

    « Qui ne donne pas de métier à son fils lui donne celui de voleur. » Le Talmud.

Une génération qui n’est pas éduquée ou avec laxisme, transforme totalement la société, parce que comment ces enfants, arrivés à l’âge adulte, pourront-ils éduquer leurs propres enfants ?

Dans toutes les sociétés traditionnelles, les adolescents devaient suivre une initiation, surmonter un certain nombre d’obstacles pour être admis en tant qu’adultes, c’était l’apprentissage de la maturité, par la prise de responsabilité.

Ce stade n’existant plus déjà depuis longtemps dans la société occidentale moderne, le sens des responsabilités ayant fait place à la seule volonté de satisfaire ses désirs, c’est-à-dire de surconsommer des marchandises dérisoires, chacun demeure un éternel adolescent. C’est ainsi que les adultes, de quelque classe sociale qu’ils soient,  sont aujourd’hui des individus dramatisant en permanence des tendances et des impulsions infantiles. Ils sont incapables en particulier, de prendre conscience du rôle de leur ego dans l’incohérence de leurs actions, de leurs sentiments et de leurs émotions. La société spectaculaire marchande trouve évidemment son profit à ce que la société permette à tout un chacun de demeurer un éternel adolescent. L’immaturité du monde occidental explique ses difficultés socio-économiques.

    Les parents donnent la vie, puis c’est à l’État, c’est à dire à des contribuables anonymes, qu’ils réclament pour leurs enfants, le DROIT D’EXISTER !

    Il est tellement plus facile d’écouter les sirènes de la facilité et d’attendre que l’État prenne en charge son rejeton. La société le prendra effectivement en charge, mais pour sa propre utilité, pour ce que ce « citoyen » pourra lui donner par sa force de travail ou sa propension à consommer, mais sûrement pas pour ce qu’il « est ».

    Si le petit d’un animal n’est pas protégé et élevé par sa mère, jusqu’à ce qu’il puisse se débrouiller tout seul, s’il est lâché ainsi dans la nature, il ne survivra pas une heure. Cette éducation est faite de récompenses et de punitions. Elle est surtout faite d’amour et d’abnégation. Les êtres soi-disant humains devraient observer les animaux et en prendre de la graine, puisqu’ils semblent avoir étrangement oublié leur rôle depuis qu’ils ont choisi de dominer la nature… et la femme. Et encore plus depuis qu’ils sont complètement endoctrinés par les médias, support religieux de la secte des publicitaires, elle-même au service de la finance mondiale.

Les parents donnent la vie mais ils sont incapables de donner un sens à cette vie.

    Même par leur façon de vivre, ils sont incapables de faire comprendre à leur progéniture, la raison de leur venue au monde.

    Les jeunes se révoltent contre toute autorité parce que le vide culturel et cultuel dans lequel ils se trouvent, leur permet de percevoir clairement, mieux que leurs parents, que la société est une cage.

    Une cage dorée pour certains, pouilleuse pour d’autres, mais de toute façon, un enfermement inéluctable jusqu’à leur dernier jour.

    Les jeunes cherchent inconsciemment à expier la souillure d'exister.

    Leurs parents comme eux-mêmes ne sont que des « proletarius », c’est à dire, étymologiquement « destinés à procréer ».

    Selon le Robert, le prolétaire est le citoyen appartenant à la dernière classe de la société romaine et qui n’est utile que par les enfants qu’il engendre.

    Des enfants et des adolescents qui se sentent étrangers au sein d’une société dont la finalité leur paraît, à juste titre dérisoire.

 Une société toujours coercitive qui selon les époques et les lieux, impose ses idées : Dieu, la patrie, les lendemains qui chantent, et aujourd’hui, la plus stupide des raisons de vivre de l'homme dans toute l'histoi re : la soumission à la marchandise, la soumission à la croissance, la soumission au profit, c’est à dire la soumission à la Finance internationale. On lui fait prendre des vessies pour des lanternes, un âge du Toc pour un âge d’Or. Alors que leurs parents, grâce au développement des sciences et des techniques, auraient dû leur préparer un « monde meilleur », les jeunes n’ont aucune autre alternative, aucune « terra incognita » où se réfugier.

    Pour la société, la procréation est plus qu’un droit, c’est un devoir, quelles que soient les conditions dans lesquelles le nouveau-né est mis au monde. Que le géniteur soit dans la plus grande misère ou dans la plus grande débilité mentale, qu’importe, pourvu que les religions aient leurs croyants, les industriels leurs travailleurs et les commerçants leurs clients.

    Avec les énormes moyens de prédation sur la nature dont l’homme dispose au début du troisième millénaire, la population mondiale ne devrait pas dépasser le milliard d’individus. Une évidence qui fait bondir les tenanciers du supermarché de l’humanitarisme. Comme c’est facile ! Plus facile bien sûr que d’éduquer,  d’informer et au besoin de légiférer démocratiquement afin de rendre les gens responsables, d’eux-mêmes, de leur progéniture, et plus largement du milieu dans lequel ils vivent. 

    Tous les bons Samaritains qui font appel à la charité publique, feraient mieux de communiquer sur les moyens de contraception et surtout sur la responsabilité de tous les parents, vis à vis de leur propre misère et de celle de leurs enfants.

    Tous les tartuffes droits de l’hommistes s’élèvent bien peu contre l'esclavage d'enfants, en Inde, en Haïti et ailleurs.

    Comment est-ce encore possible à l’aube du III e millénaire ?

   À cause de la pauvreté ? Non, cette faute est inexcusable.

   Et ce sont les religions qui la cautionnent en permettant aux hommes, de fuir leurs responsabilités de père et de mère, puisque s’ils procréent, c’est le plus souvent pour plaire à Yahvé, Dieu le Père ou Allah.

« Tout ce qui peut être anéanti doit être anéanti pour que les enfants puissent être sauvés de l'esclavage. » John Keats (1795-1821).

    Il est étonnant que la question qu’on se pose aujourd’hui avec le clonage : « le clone doit-il naître ? », ne s’est encore jamais posée aux descendants d’Adam et d’Ève, qui se contentent d’obéir à leurs instincts et au stupide ordre divin « Croissez et multipliez ». Ce qui différencie l’homme de l’animal, c’est sa capacité de réflexion qui lui permet de refuser de se laisser conduire par l’instinct de survie de son espèce et par le conditionnement social : du martèlement de la publicité au politiquement et religieusement correct.

Quelle prétention de placer les droits de l’homme au-dessus des droits des fourmis ou des abeilles !

 

« Lorsque les abeilles auront disparu, l’homme n’aura plus que quatre jours à vivre » Albert Einstein.

 

La nature a ses lois, il n’est pas sûr qu’elles soient plus cruelles que celles des hommes.

Lorsque mille gnous passent, les lionnes en  tuent un pour se nourrir. Et neuf cent quatre-vingt-dix-neuf gnous sont sains, saufs et libres. Mais pour faire un de nos multiples milliardaires, il faut mettre en esclavage plusieurs millions d’êtres humains et en faire mourir de faim presqu’autant.

    Dans Le Principe Responsabilité, Hans Jonas  pensait déjà, en 1979, qu’il était temps de dépasser la naïveté des Lumières. C’est à dire d’abandonner d’urgence le  « Principe d’espérance » (cher à Ernst Bloch), philosophie de l’espoir, de l’irresponsabilité et de la confiance béate en l’Homme, issue du messianisme biblique. Un état d’esprit qui incite l’homme à tout mettre en œuvre pour ne plus être victime de la nature, et donc à chercher par tous les moyens à la maîtriser. Hans Jonas veut remplacer le « Principe d’espérance » par le « Principe Responsabilité » , parce qu’aujourd’hui, c’est la nature qui est devenue vulnérable. À trop s’enfermer dans la défense stricte des droits de l’homme, même lorsque l’homme en question agit comme un irresponsable, on en vient automatiquement à ne plus gérer la planète en « bon père de famille ».

De toute façon l’on sait ce qu’a donné une société humaine gérée depuis bien trop longtemps par de « bons pères de famille », il serait temps de la laisser aux mains de « bonnes mères de famille ». Une gageure, étant donné que tout dans le monde a été bâti en fonction de la volonté de puissance et de domination des mâles, conditionnés dès le plus jeune âge à refuser la part féminine qui est en chacun d’eux.

 

« Lorsque nous ignorons la dimension universelle de nos actions et négligeons le bien-être des autres, il est inévitable que nos intérêts nous apparaissent comme séparés des leurs. Nous ne ressentons pas l’unité fondamentale de la famille humaine ».

Dalaï-lama, Sagesse ancienne, monde moderne.

    Hans Jonas rappelle que viol de la nature et civilisation vont de pair. Cependant, jusqu’à la révolution industrielle, l’homme reste quantité négligeable face à la nature.

« Il [l’homme] prend des libertés avec les habitants de la Terre, des eaux ou des cieux, mais il laisse intacte la nature qui englobe ces éléments et il ne diminue en rien leurs forces d’engendrement… Les cités s’élèvent et tombent, les pouvoirs vont et viennent, les familles prospèrent et déclinent ; nul changement n’est pour durer… » Hans Jonas, revue Esprit, de septembre 1974.

   Les assauts des hommes n’atteignent pas en profondeur l’immunité du Tout. La morale s’exerce donc essentiellement dans un environnement dont les limites sont le pas de l’homme, puis celui du cheval. Il s’agit de protéger ses frères et ses voisins, ou de se protéger de ses voisins. Tout un chacun sait ce qu’il doit faire au sein de son univers. La faiblesse de son pouvoir sur la nature ne nécessite pas une réflexion morale sur les conséquences de ses actes sur cette dernière.

   Or pour Hans Jonas « La technicité moderne a suscité des actions dont l’échelle, les conséquences et les objets sont si nombreux que le cadre de l’ancienne éthique ne peut plus les contenir ». La planète étant devenue vulnérable de notre fait, nous en sommes donc responsables, d’où l’écologie, en tant que nouvelle éthique, supérieure à l’ancienne.  La survie de l’espèce représente davantage qu’un principe de précaution pour les hommes d’aujourd’hui, elle concerne toute l’humanité à venir.

« La seule chose qui doit nous déterminer, c’est l’obligation de faire en sorte que ce qui est aujourd’hui soit encore dans l’avenir : personne ne peut dire au juste ce qui doit être ; il nous reste seulement à soutenir ce qui est pour aujourd’hui et pour demain. On le voit : l’utopie n’est pas de mise et Jonas invite bien plutôt à se débarrasser  de l’illusion que nous aurions quelques messages à transmettre […] Il faut seulement s’efforcer de ne pas compromettre les chances de la postérité […] Être moral, c’est seulement vouloir qu’il y ait un avenir… » Jean-Michel Besnier, Peut-on encore croire au progrès ? (ouvrage collectif).

 

Les administrations, paniquées par tout chantage à l’emploi de la part des entreprises, ferment les yeux ; mais un peu plus tard, quand l’usine a fermé, on s’aperçoit alors de l’ampleur des dégâts, sur les hommes et sur l’environnement.

Pour Walter Benjamin, à l’origine d’une vision apocalyptique de l’Histoire, le caractère destructeur de la technique mène la civilisation occidentale vers un désastre imminent.

     Cela signifie qu’au-dessus de l’intérêt des hommes, il faut se préoccuper de l’intérêt de la biosphère et de ses différentes parties, qui dépendent maintenant de notre pouvoir et dont nous sommes donc entièrement responsables.

    « Nous [serons] donc obligés de repenser non seulement la doctrine de l’action, c’est-à-dire l’éthique, mais aussi la doctrine de l’être, c’est-à-dire la métaphysique qui doit fonder toute éthique. » Hans Jonas, revue Esprit de septembre 1974.

De même pour Arne Næss l’humanité est inséparable de la nature, c’est-à-dire que si nous l’endommageons, c’est à nous-mêmes que nous portons atteinte. Mais comme dans toute éthique, qui va dire où commence le prélèvement acceptable sur la nature et où il doit s’arrêter ? Si l’animal dans la nature est guidé par son instinct, en symbiose totale avec la vie de la nature, la grande majorité des hommes sont menés par l’appât du gain, au service duquel ils mettent leur prétendue raison.

 

« Si l’on considère la masse des déclarations portant sur les droits de l’homme et qui sont écologiquement irresponsables, il peut être sage d’avancer aussi une norme à propos de ce que les hommes n’ont pas le droit de faire. » Arne Næss, Écologie, communauté et style de vie.

    Kant, avec son impératif catégorique (« Agis de façon que la maxime de ton action puisse être érigée en loi universelle de la nature »), s’adressait à l’individu, mais il ne pouvait imaginer qu’en effet, l’action des hommes, puisse avoir des conséquences universelles. C’est évidemment différent aujourd’hui.

    Et qui aura le courage de fonder cette nouvelle éthique ?

« L'avenir n'élit pas de représentants... Ce qui n'existe pas ne constitue pas un groupe de pression et ceux qui ne sont pas encore nés sont dépourvus de pouvoir. Aussi la necessité de leur rendre des comptes ne peut s'appuyer sur aucune réalité politique dans les procédures actuelles de prise de décision, et ceux-ci pourront se plaindre, nous, les coupables, n'y seront plus.» Hans Jonas, Esprit de septembre 1974

Hans Jonas nous rappelle également, que dans la nature, la mortalité n'est que l'envers de la natalité. Pour que la nature puisse recommencer perpétuellement, puisse bénéficier d'une possibilité d'évolution et conserver la spontanéité de la vie, elle doit mettre le plus d'atouts de son côté, c'est pourquoi sa force principale est la multiplication des êtres vivants ainsi que leur renouvellement par la mort. La condition mortelle de l'homme, acceptée avec la fatalité, soumission ou lamentations, était une loi inexorable qui ne pouvait être mise en cause...jusqu'à une époque récente, où les progrès dans le domaine des sciences biomédicales ont donné l'espoir de prolonger la durée de la vie.

    Depuis la dernière guerre, après la première étape de l’invention de la pénicilline qui a éradiqué en grande partie la mortalité infantile, le développement des sciences et des techniques ont pour la première fois dans l’histoire, fait reculer la fin de la vie. Les hommes mettent dans la science l’espoir de vivre le plus longtemps possible et elle répond à leur vœu.  Il est pourtant clair « qu’à l’échelle démographique le prix pour une extension de l’âge est un ralentissement proportionnel de la relève, autrement dit un apport moindre de vie nouvelle. Le résultat serait une proportion décroissante de jeunes dans une population de plus en plus âgée… Et dans quelle mesure aurait-on droit ou tort de barrer la place des jeunes en occupant les postes ?.. Allons jusqu’au bout : en éliminant la mort, nous devons également éliminer la procréation car cette dernière est la réponse de la vie à [la mort]… »  Le Principe Responsabilité, page 49.

    Que serait une société ainsi figée, sans renouveau, privée de sang neuf ?

    « Telle est peut-être la sagesse qu’enferme la dure nécessité de mourir : elle nous accorde la promesse éternellement renouvelée de la fraîcheur, du non-conformisme et de l’ardeur propre à la jeunesse, elle nous fourni aussi des êtres sans cesse différents. » Esprit.

    « Ainsi il se pourrait que ce qui dans son intention est un cadeau philanthropique que la science fait à l’homme, la réalisation d’un désir nourri depuis des temps immémoriaux (échapper à la malédiction de la mortalité), tourne au désavantage de l’homme. »  Le Principe Responsabilité, page 50.

    Que serait un monde plein de centenaires ou de bicentenaires ? L’homme en vieillissant, devient de plus en plus retors, cynique, aigri ; que n’inventerait-il pas d’encore plus maléfique ? Heureusement que l’homme meurt et laisse les jeunes redécouvrir le monde, et réfléchir à nouveau sur  l’existence.

« … La mort est une nécessité, c’est-à-dire un bien, car elle est liée au renouvellement des individus et des espèces. Elle permet une évolution progressive, elle règle les équilibres des écosystèmes, enfin elle gère convenablement l’espace terrestre, qui, si aucun vivant ne mourait jamais, déborderait déjà depuis longtemps. » Robert Blanchard, Paradis introuvables.

 

« Les "erreurs" des maladies congénitales ou des épidémies sont-elles peut-être nécessaires à un équilibre de la vie ? La correction de ces erreurs pourrait-elle à la longue faire naître des problèmes bien plus ardus que ceux qui ont été résolus ? Et la solution de ces nouveaux problèmes n’engendrera-t-elle pas, à son tour, des difficultés toujours plus graves ? L’intelligence inconsciente ne commet-elle pas ces erreurs afin d’interdire à l’espèce de trop bien réussir, ce qui troublerait aussi l’équilibre du monde ?

D’un autre côté, on peut se demander si la naissance de l’analyse consciente n’est pas elle-même un acte de l’intelligence inconsciente. L’interférence "artificielle" avec la nature ne serait-elle pas éminemment naturelle, en ce sens qu’elle opérerait dans l’intérêt de l’ordre global, même au prix de l’éventuelle élimination de l’homme ? » Alan Watts, Amour et connaissance.

    « La  mort est ce qu’a été donné de plus précieux à l’homme. » Simone Weil (1909-1943), La pesanteur et la grâce.

    « Au-delà de toute conscience qui subsiste dans le cadre de la pensée, vous découvrirez que la mort est une chose extraordinaire et qu’elle est création » Krishnamurti.

   « Rien n’est jamais gratuit sans conséquences » disait avec sagesse Confucius il y a 2500 ans.                                             

Les réflexions d’Hans Jonas soulèvent des questions qui jamais encore ne s’étaient posées et qui se révèlent aujourd’hui incontournables, la planète ne pouvant supporter un accroissement infini de la population humaine. Pourtant aucun gouvernement ne soulève ces questions pour la simple raison, que malheureusement il n’y a pas de réponses au regard de l’éthique traditionnelle, de la morale laïque universelle, héritée d’ailleurs des religions.

    « [L’explosion démographique] contraindra une humanité qui s’appauvrit à faire… un pillage toujours plus effronté de la planète jusqu’au moment où celle-ci prononcera son verdict et se dérobera à la surexploitation. Combien de morts, et de génocides accompagneront une telle situation du sauve-qui-peut ! cela défie toute imagination. » Le Principe Responsabilité, p 269.

    Qui est à l’écoute des jeunes perçoit leur rancœur. Ils ne comprennent pas bien sur quelle planète ils devront survivre, mais il tiennent pour responsables, les générations de leurs parents et grands-parents, qui auraient profité de tout, non seulement sans se préoccuper de leur sort, mais en accumulant une dette qu’ils devront payer ; et ils n’en ont pas envie. Ils n’ont pas vraiment tort. Les seniors, emportés dans le maelström du développement de l’industrie de la santé, vont coûter de plus en plus cher à la collectivité. Les plus jeunes vont se lasser de payer pour les autres : des vieux aux assistés, en passant par les réfugiés. Les mentalités vont évoluer avec la désorganisation sociale. Sans doute, une sorte de pression morale insidieuse aura tendance à s’exercer sur les personnes âgées les plus dépendantes, prémices d’une tolérance de plus en plus grande vis-à-vis de l’euthanasie. C’est la conséquence d’un monde ou règne « la science sans conscience ».    

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