« Et le Verbe s’est fait chair »
« J’ai depuis mon enfance cette vague mais persistante impression d’être sous l’influence d’une culture archaïque et souterraine dont les valeurs auraient été perdues par la religion protestante et la bourgeoisie industrielle, par la civilisation moderne occidentale en général. » Alan Watts, Amour et connaissance.
Le langage à l’époque de la déesse, était un « signifiant transcendantal », une langue de l’immédiateté, une langue intuitive, sentie, comprise par intuition, sans spéculation, ne comportant aucune ambiguïté entre signifiant et signifié. Comme la musique, elle se refusait sans doute à toute paraphrase, se situant au delà du bien et du mal, du vrai et du faux. Une langue ne séparant pas « l’esprit et la matière, l’âme et le corps, la pensée et le sentiment, l’intellect et l’intuition, la raison et l’instinct… Aucun substrat théologique dans la pensée de la Mère, aucun postulat arbitraire, aucun dogme, aucune supercherie métaphysique, aucun artifice dialectique pour séduire… » Françoise Gange, op.cit. À cette époque, l’être humain était encore doté d’une très grande sensibilité au monde extérieur. Ce n’était pas par le raisonnement intellectuel qu’il percevait les lois de la nature, mais il les ressentait. La spiritualité de l’homme était celle de la nature elle-même. C’était encore ainsi dans certaines régions du monde, il n’y a pas si longtemps. Certains « primitifs » qui n’avaient encore jamais rencontrés d’hommes « civilisés », n’employaient pas le « je » ni le « moi », mais le « nous », signifiant le clan, la tribu. La caractéristique du « civilisé », c’est son individualité forcenée, son ego démesuré. En fait, ceux qui se soucient le plus des autres, sans aucune arrière pensée consciente ou inconsciente, ce sont ces peuples au « moi interpersonnel ».
« À l’origine […], il n’y avait pas encore de nature. Nul n’en parlais, parce que l’homme ne s’était pas encore distingué d’elle pour la considérer. Individus et sociétés étaient alors englobés dans le cosmos. Une puissance omniprésente, sacrée parce qu’invincible, cernait de toutes parts la faiblesse humaine ». Bernard Charbonneau, Le jardin de Babylone. Pour Carlos Castaneda, dans La force du silence, la connaissance et le langage sont deux choses distinctes et peuvent donc exister indépendamment l’un de l’autre. Nous pourrions connaître sans mots et sans pensées : « Il n’y a aucun moyen de parler de l’esprit, parce qu’on ne peut que faire l’expérience de l’esprit ». Le Verbe ne s’était pas encore fait verbiage pour habiller le mensonge. Dans l’Évangile de Jean (1,1) il est précisé : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu ». Le pouvoir des nouveaux dieux s’exprime aussi par la parole, par le raisonnement, afin de donner une explication, une justification à ce renversement des valeurs. C’est la parole du pouvoir, la parole du dominant. C’est la parole d’un Dieu unique, coupé de la Nature et de sa diversité. C’est la parole qui commande et qui ordonne. C’est la parole des dix commandements qui officialisent la soumission de la femme. C’est la violence donnée à la parole. C’est la fin du Logos de la Grèce antique, qui ne privilégie aucun dieu, puisque chacun représente une caractéristique de la Nature, le Logos qui laisse à Eros, à l’amour, son rôle. L’apôtre Jean (ou du moins ceux qui ont écrit cet évangile*), à la différence de Marie-Madeleine, de Thomas et de Philippe, n’a pas saisi que la parole de Jésus n’est pas le Logos de violence du Dieu de l’Ancien Testament. Il n’a pas su entendre le nouveau langage de l’amour et de la paix. Le nouveau Logos de Jésus qui a été exclu par l’Église et ses prêtres, incapables de le comprendre. *Ne s’agit-il pas là d’une réminiscence du mythe d’Orphée : « J’ai créé toutes les formes avec ce qui est sorti de ma bouche, alors qu’il n’y avait ni ciel ni terre » ? Comme nous l’avons déjà précisé, par sa poésie et sa musique, Orphée peut détruire ou construire : c’est la magie du Verbe et du Son. Pour Jean-Marie Durand, professeur au Collège de France, dans les langues sumérienne et akkadienne, les deux sexes n’employaient pas les mêmes mots. Il y avait donc les mots de l’époque de la déesse et ceux, plus récents, des nouveaux maîtres. L’attitude masculine vis-à-vis du féminin peut être résumée par Gustave Le Bon (1841-1931) pour qui la taille inférieure du cerveau féminin expliquait « sa frivolité, son inconstance, son manque d’entendement et de logique, son incapacité à raisonner ». Sans jamais relever que la femme depuis des millénaires est emprisonnée dans un univers patriarcal en contradiction avec les lois de la nature, et qu’elle a été façonnée, programmée de génération en génération pour devenir ce que les mâles dominateurs attendaient d’elle. Et comment connaître la nature véritable d’un animal maintenu en cage si longtemps par un autre animal ?
« Je suis aujourd'hui stupéfaite d'avoir été si longtemps soumise aux règles de notre société patriarcale, je n'en ai pris réellement conscience qu'à partir de 50 ans. » Benoîte Groult, Histoire d'une évasion. La grammaire est déjà patriarcale. Si je donne une conférence et qu’il y a dans l’assistance, un homme et trois mille femmes, je devrai dire : « Je vous remercie d’être venus si nombreux ». C’est fondamentalement choquant mais ça ne choquera personne. Pour Ingeborg Bachmann (1928-1973), le langage fait partie des châtiments subis par la femme. Par delà le fait qu’elle refuse d’écrire dans la langue des assassins, c’est à dire des nazis allemands, l’auteur de Malina considère que toute langue perpétue le travail d’anéantissement des hommes sur les femmes, perpétue ce fascisme privé.
« Tout langage est langage du mâle, car le sujet parlant est masculin. La femme n’a pu et ne peut s’y inscrire, même si elle l’a toujours tenté, encore et encore… » « Et si la femme veut s’inscrire dans la langue, elle doit adopter un Moi masculin… je ne peux pas changer cet état de chose. En revanche, ce que je peux, c’est contourner cette langue masculine dominante en ayant recours à l’ironie. Mais je ne puis pas m’en débarrasser, elle est la langue des dominants, et ceux-ci ne sont assurément pas les femmes. » Elfriede Jelinek, Prix Nobel de littérature 2004, interview dans Le Monde du 19 janvier 2007. « Il est probable que dans la vie comme dans l’art, les valeurs ne sont pas pour une femme ce qu’elles sont pour un homme. Quand une femme se met à écrire un roman, elle constate sans cesse qu’elle a envie de changer les valeurs établies, rendre sérieux ce qui semble insignifiant à un homme, rendre quelconque ce qui lui paraît important. Et naturellement, le critique l’en blâmera ; car le critique du sexe opposé sera
sincèrement étonné, embarrassé devant cette tentative pour changer l’échelle courante des valeurs ; il verra là, non simplement une vue différente, mais une vue faible ou banale ou sentimentale, parce qu’elle diffère de la sienne .» Virginia Woolf, L’Art du roman (cité par Marie-Joseph Bertini, dans Cachez ce sexe que je ne saurais voir). « La philosophie est le tombeau de la femme. Elle ne lui accorde aucune place, aucun lieu, ne lui donne rien à conquérir ». Catherine Malabou, Le féminin et la question philosophique. Catherine Malabou a d’abord cru, comme Simone de Beauvoir, que l’émancipation de la femme passait par « devenir comme le plus fort des hommes », elle a vite compris son erreur et a changé de stratégie, elle s’est mise à ruer dans les brancards, à enfin, penser comme une femme, sans cacher son visage et son ventre féminins. De même Yamina Benguigui, nommée ministre de la francophonie après l’élection de François Hollande à la présidence de la République, avoue (Aujourd’hui en France du 7 juillet 2012), que « les coups pleuvent de la part des gens dits du sérail » et elle ajoute : « Ça doit être quoi, une femme qui devient ministre ? Le président a choisi des femmes, on ne va pas se déguiser en hommes ! ». Ce monde absurde ne changera pas tant que les femmes soi-disant émancipées se contenteront de se déguiser en hommes. La philosophe se démarque ainsi du discours essentialiste qui affirme qu’il n’y a pas d’identité propre du féminin : elle assume au contraire la spécificité du féminin. « Dans Le Deuxième Sexe (1949), Beauvoir réussit ce tour de passe-passe impressionnant : affirmer qu’on ne naît pas femme mais qu’on le devient, qu’au fond la femme n’existe pas mais a été construite par l’homme en tant que son autre radical... tout en prouvant le contraire à longueur de page, montrant, chapitre après chapitre, que l’oppression des femmes est due à leur corps (donc à quelque chose avec quoi elles sont nées) : règles, hormones, grossesses, maternités... » Nancy Huston, Le Monde du 27 juin 2010.
« D’habitude, l’histoire est toujours écrite du point de vue des hommes. Ce que je voudrais faire, moi, c’est inverser la donne. Établir un parallèle entre la violence des hommes et la possible harmonie installée par les femmes. » James Canon, Dans la ville des veuves intrépides. Dans « le Monde » (30 mai 2008), la journaliste termine l’analyse de ce livre ainsi : « Dédié à sa mère et à "toutes les femmes de la terre", le roman a la saveur d’une utopie savamment élaborée, savoureuse et délicieusement optimiste : rien ne dit qu’un monde dominé par les femmes serait aussi harmonieux que le rêve de James Canon. Mais il est vrai qu’on a jamais essayé ». À l’école de journalisme l’on n’apprend pas, bien sûr, que les Mères, jusqu’au néolithique, géraient les communautés humaine en harmonie avec les lois de la nature, sans aucun esprit de "domination", puisque avant que les mâles n’inventent les mots, il n’y avait ni pouvoir ni domination, mais seulement l’expression de l’esprit de la nature.
« Les mots permettent d’isoler des choses inséparables dans la nature parce que ce ne sont que des étiquettes et des principes de classification qu’on peut combiner à son gré. Formellement le terme "être" se présente dissocié de "néant" comme "plaisir" de "douleur". Mais ces termes constituent dans la réalité une relation aussi indissoluble que le devant et le derrière d’un objet […] Aucun mot ne peut dire ce qu’est le monde… » « De même qu’il est parfois nécessaire de se taire pour entendre ce que les autres ont à dire, la pensée elle-même doit faire silence pour pouvoir penser à autre chose qu’elle-même. Comment s’étonner, que faute de ce silence, notre esprit soit hanté par des mots et encore des mots ? Un pas de plus, et l’on tombe dans l’idée absurde ["à l’origine, le Verbe fut"] que le mot est antérieur à la nature elle-même, alors qu’il est seulement antérieur aux classifications qu’il permet d’opérer dans la nature. » Alan Watts, Amour et connaissance. Et les classifications ne sont que des conventions, relatives, impermanentes, qui ne doivent en aucun cas diriger notre vie. Le système patriarcal, dominateur, conquérant, assoiffé de pouvoir et de biens matériels, a façonné un système de pensée qui découpe, sépare, s’attache au quantitatif, dissèque une partie de la réalité en laissant de côté le reste du monde. Alors que l’esprit féminin, à l’instar du taoïsme, tient mieux compte de l’interdépendance entre toutes les choses, de l’ensemble des éléments du réel, dans une globalisation de la pensée. Les études en imagerie cérébrale montrent aujourd’hui que les hommes et les femmes sollicitent des zones différentes du cerveau. Selon Shaunti Feldhahn, le corps calleux, la matière blanche qui connecte les deux hémisphères du cerveau, ce qui favorise la capacité à effectuer plusieurs tâches à la fois, serait 25% plus développé chez les femmes. Dans le cerveau, l’ocytocine favorise les liens parents-enfants, et els femmes en sont plus dotées que les hommes (Rick Hanson, Le cerveau de Bouddha). «Après la crise financière mondiale, le cocktail d’hormones qui circule dans le cerveau masculin a été passé au crible. Les études montrent que plus le taux de testostérone est élevé, plus les prises de risque sont importantes. Certains critiques estiment que le cénacle exclusivement viril de Wall Street constitue la pièce à conviction numéro un de ce qui peut advenir lorsqu’une culture mâle se délecte de paris à hauts risques. » Kevin Delaney, Le Figaro du 30 avril 2010. Si un jour le « Principe féminin » arrive à équilibrer le « Principe masculin » dans le monde, alors tout ce qui a été pensé depuis des millénaires devra être repensé différemment. Un autre langage, un autre Logos sera a construire. « L’on ne construit pas un monde nouveau sans un langage nouveau ». Ingeborg Bachmann.
Le mythe de la tour de Babel est expliqué comme étant un conte moral qui met en garde contre l’excès d’orgueil ; c’est pourquoi Yahvé arrête sa construction en créant la confusion des langues. Il y a d’abord contradiction, puisque les ziggourats, comme la tour de Babel, étaient censées abriter un temple dédié à une divinité, en l’occurrence Marduk, dieu des Sumériens.
En fait, le Temple de la tour de Babel, avant le culte de Marduk, servait au rituel de la hiérogamie, c’est là que la Grande déesse Inanna-Isthar, se mariait pour une année avec le mortel de son choix. La ziggourat lieu religieux, représentait d’ailleurs la Montagne sacrée, symbole de la déesse Mère. Cet épisode de la Bible montre donc que Yahvé était jaloux du dieu dont il n’est que l’avatar ! Noé avait promis à son Dieu que lui-même et toute sa descendance n’adoreraient que Lui. Or cette promesse ne fut pas tenue.
Pour George Steiner, Babel est un incommensurable bienfait, parce que chaque nouvelle langue humaine constitue une nouvelle expérience, une perception différente ; ainsi sont possibles la découverte, le progrès et la marche messianique de l’homme ! En effet c’est le va-et-vient des idées, le choc des opinions, les passions et les rêves qui développent l’intellect… et qui mettent également le feu au monde. On a vu où un tel phantasme a mené l’humanité ! Alors que la langue unique de la Mère, ne permettait que l’expression du pouvoir naturel de la Mère, la Mère nourricière, Gaïa. C’était une époque où l’homme n’avait peut-être pas encore acquis de véritable individualité, mais où régnait en lui l’harmonie, la complétude avec l’organisation sociale et la nature. Un âge d’or vers lequel nous ne pouvons et ne souhaitons évidemment pas revenir, mais dont nous devons comprendre la leçon si nous ne voulons pas que l’humanité disparaisse. Il s’agit donc de redécouvrir ce que signifient les mots « simples d’esprit » prononcés par Jésus. « Heureux les simples d’esprit [c’est-à-dire les cœurs purs, ceux qui n’ont pas l’esprit miné par le calcul et des idées de domination et de pouvoir !], car le Royaume leur appartient. » Évangile de Matthieu, 5. « Un esprit enchaîné par des croyances n’est jamais un esprit simple. Un esprit mutilé par des connaissances n’est pas un esprit simple. Un esprit distrait par Dieu, par des femmes, par la musique, n’est pas un esprit simple. Un esprit tombé dans la routine des affaires, des rituels, des prières, un tel esprit n’est pas simple […] La simplicité ne survient que lorsque le moi n’est pas, lorsque l’esprit n’est pas tombé dans le réseau des spéculations, des conclusions, des croyances, des identifications. Seul un esprit ainsi libre peut trouver la vérité, et recevoir ce que l’on ne peut ni mesurer ni nommer ; et c’est cela la simplicité » Krishnamurti, La première et dernière liberté. P358. En fait, la confusion des langues dans la Bible, permet à Yahvé de conserver des rapports privilégiés avec ceux qui parlent l’hébreu, son peuple. Et la multiplication des langues est bien le fait d’un Démiurge mauvais, qui par ce moyen, réussit à désunir le peuple de la Mère, à séparer les hommes, à créer la confusion dans leur mental (en grec classique, diaballein, d’où vient Diable, signifie, nous l’avons vu, séparer, désunir). « Les hommes simplifient le monde par le langage et la pensée, ainsi ils ont des certitudes ; et avoir des certitudes est la plus puissante volupté en ce monde, bien plus puissante que l’argent, le sexe et le pouvoir réunis. Le renoncement à une véritable intelligence est le prix à payer pour avoir des certitudes… » Martin Page, Comment je suis devenu stupide. Dans ces sociétés matrilinéaires ou matrilocales, si l’organisation sociale était partagée entre les hommes et les femmes, des tensions n’en existaient pas moins, bien sûr. La chasse était sans doute la cause de querelles pour les territoires, pour la nourriture, mais tous les problèmes devaient se régler au
sein de la communauté en fonction du « principe de vie ». La survie de la communauté étant toujours un principe plus fort que la volonté de tel ou tel. Les femmes géraient les communautés comme le « Ciel » régit les quatre saisons.
Un univers, certes, où le libre-arbitre de l’homme était absent… Mais derrière les conditionnements et les endoctrinements, confronté en permanence à la guerre, à la violence et à ses propres inventions qui l’effraient, où est vraiment le libre-arbitre de l’homme moderne ? Quel était le libre arbitre des millions de jeunes hommes enrôlés de force dans la guerre en 1914. S’ils refusaient d’avancer vers la mort, ils étaient fusillés. Et si fiers d’avoir remporté la victoire, les vainqueurs ont fait payer à l’ennemi tant de dommages de guerre, que la suivante, encore plus meurtrière, s’inscrivait déjà dans l’histoire. Des guerres fondamentalement destructrices et pourtant totalement inutiles.
« Si les nationalistes avaient gagné en 1949 à la place de Mao, on aurait eu droit aussi à la nouvelle Shanghai. Celle-là même qui existe aujourd’hui. Alors, à quoi servent les révolutions ? Tous ces vrais sacrifices, que des tas de gens ont faits avec une véritable honnêteté, à quoi servent-ils ? Si les autres avaient gagnés, la Chine aurait beaucoup moins souffert et serait de toute façon devenue ce qu’elle est aujourd’hui… » p 238. Tiziano Terzani, La fin est mon commencement. Les médias d’aujourd’hui sont dotés de merveilleux outils de communication, mais la parole est, en fait, réservée à de pseudo-spécialistes, alors qu’au quotidien, de plus en plus de gens semblent en avoir perdu l’usage et la remplacent par des actes de violence. « La pauvreté lexicale du délinquant est de même nature que celle du spécialiste : la langue du spécialiste n’est qu’un des véhicules de la violence technique. Les expressions et les délicatesses des sentiments leur sont également étrangères…
Les institutions politiques elles-mêmes avalisent ce nouveau rapport de force : la décision prise à la suite d’une manifestation, s’inscrit, comme la manifestation elle-même, dans un unique système de dénégation de la symbolique parlementaire, et c’est ainsi que la violence devient peu à peu structure langagière dominante. » Jacques Bril, op.cit.
L’homme (le mâle), est par nature agressif, sa sexualité le porte à dominer, à combattre ; il n’est jamais satisfait, sans cesse à la poursuite de nouveaux combats ou d’absolu dérisoire. Ses gènes boursouflent son ego afin qu’il se donne le plus de mal possible pour chercher, pénétrer, engrosser. Toutes les armes qu’il a inventées, de la sagaie à la bombe nucléaire, ne sont que des avatars de son sexe dérisoire. Une société régentée par la femme ne peut être une société agressive. De par sa fonction biologique, la femme est d’abord réceptive, elle ne peut être menée par l’agressivité, sauf pour défendre sa progéniture. Après des millénaires de domination masculine, certaines femmes cherchant à se libérer, peuvent paraître aussi agressives que les hommes, mais c’est une conséquence de l’état de la société, qui les a en quelque sorte masculinisées. Même si certaines féministes refusent l’évidence, woman, vient de womb et de man : homme doté d’un utérus, ce qui détermine chez la femme patience, attention, compassion, pragmatisme, équilibre. Certains peuvent être amenés à contester cette différence « naturelle » entre l’homme et la femme, mais ce n’est pas parce que deux êtres sont égaux qu’ils ne sont pas différents. Dire que l’instinct maternel n’existe pas, c’est comme dire que l’instinct de compétition des mâles pour la femelle n’existe pas. Et les différences de comportement entre les animaux et les hommes ne sont dues qu’aux cultures humaines. « Nous avons décidé de ne pas nier a priori les fameuses "différences". Bien sûr, beaucoup de "traits féminins" sont imaginaires ; la plupart même, sont créés de toutes pièces par la culture mâle. D’autres sont exagérés avec complaisance, pour l’utilité de sa survie, comme ce fameux instinct maternel qui existe pourtant. Mais est-ce à cela que se limite notre différence ? Je ne le pense pas. Après beaucoup d’hésitation et de remise en question, je tiens aujourd’hui le Féminisme pour une valeur et pas seulement une variable culturelle sur le thème universaliste. Il est ce qui colle de plus près à l’universalisme ; ce que l’homme mâle a feint d’être quand il se présentait comme neutre ; il est à la base même des valeurs les plus immédiates de la Vie, et c’est par là que se recoupe le combat féministe et le combat écologique. » P 33. « Le mot "être" en Français est masculin, qu’il s’applique au mâle ou à la femelle… Alors que les observations les plus actuelles des biologistes concordent à montrer que c’est la femme qui est l’espèce, et que l’homme se différencie d’elle bien plus qu’elle ne se différencie de l’homme. » P 73. Françoise d’Eaubonne, Le Féminisme ou la mort. Pour Sarah Blaffer Hrdy, l’étude de ce qui se passe chez les mammifères, mettrait en évidence le rôle de la lactation dans la capacité d’une personne à s’adapter aux situations sociales. La lactation exige qu’une femelle reste près de son petit et offre ainsi l’occasion et la nécessité pour développer l’intelligence sociale et une capacité à la compassion.
« Chez la plupart des mammifères, ce sont les femelles qui restent au sein de la parenté et les mâles qui s’en vont pour aller chasser et se reproduire ailleurs… L’association prolongée entre parentes était l’environnement social ayant une pertinence évolutionnaire dans lequel ont évolué les régions "exécutives" du cerveau. Il s’agit de zones du cortex qui permettent aux animaux d’apprécier les situations sociales et d’élaborer des stratégies cohérentes pour affronter celles-ci. » « Le sexe n’est peut-être pas une destinée au sens que ce devrait être forcément une femelle qui s’occupe de la progéniture, mais la lactation exige qu’une femelle reste près de son jeune. L’association prolongée entre mère et nourrisson offrait à la fois l’occasion et la nécessité pour qu’évolue "l’intelligence sociale" » « [La lactation] a façonné le destin non seulement des mères, mais aussi de tous les individus qui allaient développer une capacité à la compassion. » Sarah Blaffer Hrdy, Les instincts maternels. Il est étonnant comme le conditionnement patriarcal a endoctriné la femme jusqu’à la convaincre qu’il n’existe pas de « nature féminine » et donc aucun « Principe féminin ».
Si Simone de Beauvoir a raison de penser qu’ « on ne naît pas femme, mais on le devient », en fonction des conditionnements sociaux depuis la tendre enfance* ; elle refuse l’analyse de Françoise d’Eaubonne et d’Antoinette Fouque, qui veulent d’abord imposer leur différence, en montrant que la femme est dotée d’une nature autre que celle de l’homme, qui la porte à respecter la vie, à l’organiser en accord avec une certaine observation et compréhension de la nature, ce qui échappe totalement à l’esprit masculin, au « Principe masculin », plutôt porté à faire la démonstration de sa force, de sa ruse, de son « Moi-Je ». * Voir à ce sujet La fabrique des mâles de G. Falconnet et N. Lefaucheur et La pomme et le serpent, auto-analyse de la féminité, de Armanda Guiducci. Il s’agit à l’instar de tous les racismes, de ne pas nier les différences, qui sont également des atouts, mais de ne jamais transiger sur l’égalité dans la différence, dans quelque situation que ce soit. Si le pouvoir des mâles avait été contrebalancé, comme cela aurait dû l’être, notre histoire humaine depuis le néolithique, aurait été moins sanglante. Encore aujourd’hui, ce pouvoir des mâles ne s’exerce pas seulement sur le plan politique ou économique, mais partout, dans les mouvements associatifs sportifs, culturels ou d’entraide, les communautés, les réseaux, etc.
Même si deux siècles avant Jésus-Christ, en Chine la société est également dirigée par les hommes, la pensée chinoise, repose avec le taoïsme, sur la croyance en une double force cosmique à la fois féminine et masculine (le yin et le yang). « Notre culture a constamment privilégié le yang, les valeurs et attitudes masculines, et a négligé leur complément yin, leurs contreparties féminines. Nous avons favorisé notre outrecuidance au détriment de notre intégration, notre analyse au détriment de la synthèse, le rationnel au détriment de la sagesse intuitive, la science au détriment de la religion, la compétition au détriment de la coopération, l’élargissement au détriment de la préservation conservatrice, etc.
Ce développement à sens unique a désormais atteint un niveau alarmant : une crise aux dimensions sociale, écologique, morale et spirituelle. « Cependant nous constatons en même temps le début d’une évolution qui semble accréditer cet ancien dicton chinois selon lequel le yang, ayant atteint son apogée, se retire en faveur du yin. » Fritjof Capra, Le Tao de la Physique, page 12. Au temps des Han (200 av J.-C.), la tradition attribuait la conception du Yin et du Yang à Hi-ho, la mère du Soleil. Le sang menstruel, est appelé « le sang nourricier » dans le tantrisme alors qu’il est impur dans les religions monothéistes (le Lévitique XV, 19, le Coran II, 222), qui représentent la femme comme le Mal incarné.
Dans le taoïsme comme dans le tantrisme, l’homme et la femme peuvent atteindre par la sexualité, l’extase, c’est à dire une sorte de transcendance personnelle. Dans le Tantra, le féminin est même valorisé et le principe masculin repoussé au second plan ; un féminisme mystique, subversif et transgressif par rapport aux conventions sociales. L’histoire du début de l’humanité a été modifiée par les hommes pour justifier leur autorité illégitime. Des femmes universitaires ont fait des découvertes dans ce sens. Elles n’ont jamais été contestées par leurs collègues masculins qui se contentent de ne pas en parler: c'est le mur du silence. Cette usurpation du pouvoir de la grande Mère par les mâles, pourrait s’être réalisée à partir de l’élevage. « L’élevage des animaux mit en lumière le rôle du mâle dans la reproduction des êtres vivants, et leur domestication ouvrit la possibilité d’une autre subjugation – celle de la femme et de la Grande Déesse. L’une des exigences fondamentale de l’élevage animal, c’était l’abattage ou la castration des mâles inutiles. La figure du Taureau sacré tire sans doute son origine de la pratique coutumière consistant à sélectionner le taureau le plus puissant pour féconder un groupe entier de femelles, tout en excluant les autres mâles – cette pratique a sûrement dû être pour les mâles humains une source puissante d’angoisse ; peut-être est-ce l’origine réelle de ce que Freud a appelé le
"complexe de castration" […] La mutilation que l’on opérait sur les animaux se transforma très tôt en un rituel de circoncision auquel les garçons furent soumis […] Jusque-là, les animaux étaient considérés comme des créatures auxquelles les humains étaient liés par des liens fraternels ; avec leur domestication commença leur esclavage – ils furent, de fait, les premiers êtres asservis. Adele Getty, La Déesse, Mère de la Nature vivante.
De même, dans la Bible, Ève est punie pour avoir cueilli une pomme , symboliquement, son rôle de cueilleuse lui est retiré puisque dorénavant c’est l’homme qui commande. Chez les Étrusques, la déesse Pomone assurait la fructification des fruits et des plantes avant de se cantonner dans le rôle d’inspiratrice pour poètes latins. Dans la mythologie grecque, Héraclès s’empara des pommes d’or du jardin des Hespérides après avoir tué le dragon qui les gardait. De même nous avons vu que Caïn, parce qu’il est cultivateur, est mal vu du Seigneur qui lui préfère Abel, l’éleveur, le nomade dont les bêtes vaquent dans les champs plantés par son frère, qui finit par être emporté par la colère.
De même, Yahvé demande aux nomades hébreux, de s’emparer des terres des Cananéens, agriculteurs. Nous avons vu qu’à l’inverse Zarathoustra (fondateur du mazdeisme, religion des premiers Perses), demande à ses adeptes d’être agriculteurs et non éleveurs. De même à Sumer, la déesse Inanna préfère le fermier au pasteur qui pourtant lui énumère toutes ses richesses et ses nombreux troupeaux : « Non ! Je n’épouserai pas le pasteur… Je veux épouser le fermier qui produit tant de plantes, tant de grains. » L’Épopée de Gilgamesh. Au XIXe siècle, les romantiques, fidèles à la tradition biblique et n’ayant pu avoir connaissance du « renversement des valeurs », chargent Lilith - comme toutes les démonisations de la déesse Mère, à l’instar de Pandore dans la mythologie grecque - de toutes les tares, de tous les crimes, de tous les malheurs de l’humanité. Un exutoire face à l’angoisse créée par une civilisation industrielle dotant l’homme de machines, de prothèses risquant de le rendre moins humain.
« Comme Lilith, la civilisation technique se révèle simultanément séductrice et terrifiante, prolifique et stérile, engendrant la violence. » Jacques Bril, Lilith ou la mère obscure. Un comble, alors que c’est une civilisation dominée par les mâles qui a amené l’humanité où elle en est. L’invention de techniques sophistiquées a permis aux hommes de satisfaire toujours plus de désirs, sans se soucier des conséquences. « Le déchet social d’une société en voie de complexification est plus abondant que dans une société en équilibre où des dispositions régulatrices limitent les croissances. » Ibid.
Il n’est pas difficile aujourd’hui d’en trouver des exemples, de la démographie à l’assainissement des mégalopoles. Plus on urbanise, moins les eaux de pluie pénètrent dans les nappes, plus les déchets nous submergent, alors qu’en zone rurale, avec une agriculture non intensive, la nature réussit sans aucun mal à digérer et à recycler tous les rebuts. En 2002, 97% des cours d’eau français contenaient des pesticides. « Les problèmes d’environnement sont principalement dus à deux phénomènes : l’accroissement de la population et l’énorme concentration des hommes dans des villes gigantesques […] La pollution de l’environnement par la séparation de l’agriculture et de l’élevage, par le besoin accru en matières premières et le rejet de déchets industriels, par la destruction de régions écologiquement intactes
suite à la construction de routes et de logements, par le trafic urbain journalier comme par les altérations climatiques dues à l’industrie et à l’urbanisation, et enfin par les constructions issues de certains modes de comportement propres à la recherche du profit à tout prix et à l’inconscience (page 17) […] Il apparaît que l’investissement accru de capitaux [dans l’agriculture] n’est pas fait pour enrichir le paysan mais le négociant (en machines, combustibles, courant, engrais, biocides etc.) », page 48. Eugen Drewermann, Le progrès meurtrier. « La France, deuxième puissance agricole du monde, est actuellement le pays de l’Union Européenne qui pulvérise le plus de pesticides sur son territoire ; il est aussi celui dont le taux de décès par cancer chez les hommes est le plus élevé », p 22.
« Tandis que dans l’agriculture, l’accroissement "miraculeux" de la productivité, notamment grâce aux déversement aveugle et destructeur d’intrants chimiques, s’est accompagné d’une dévastation du monde rural, et de sa dés-humanisation au sens littéral puisque les campagnes ont proprement été vidées de leur substance humaine », p 41. « En détruisant l’agriculture paysanne, non seulement on jetait aux poubelles de l’histoire des milliers de vies humaines, avec leur mémoire, leurs pratiques et leurs valeurs propres. Mais on sapait aussi les conditions concrètes pour que l’homme puisse maîtriser, directement ou indirectement, la production de sa nourriture, et pour qu’il puisse s’en sentir responsable. La production à grande échelle détruit donc les fondements moraux de la démocratie. En sapant le contrôle des citoyens de base sur leur activité et leur vie quotidienne, elle les décourage de se mêler des questions importantes. L’idée de responsabilité tend à devenir une notion purement juridique, un fardeau dont on se défausse sur des spécialistes… », p 135. Amiech et Mattern, Le Cauchemar de Don Quichotte.
La croyance aveugle dans le mythe du Progrès a fait construire un monde totalement basé et dépendant d’une seule source d’énergie, pourtant à l’évidence, épuisable sur le long terme. Mais John Maynard Keynes, le père de l’économie moderne a bien dit « qu’à long terme nous serons tous morts ». La devise de cette économie politique est donc bien : « après nous le déluge ». « Les économistes keynésiens se sont concentrés sur l’économie nationale sans tenir compte des accords économiques internationaux et de la croissance du réseau économique planétaire ; ils ont négligé l’énorme pouvoir des firmes multinationales qui mènent désormais le jeu sur la scène mondiale ; et dernier point, mais non le moindre, ils ont ignoré les coûts sociaux et environnementaux des activités économiques, comme continuent à le faire la plupart des économistes […] La destruction de l’environnement n’est pas un simple effet secondaire : elle fait partie intégrante du projet capitaliste mondial. » Frtjof Capra, Les connexions invisibles, p 165 et 176. La société matrilocale était une société agricole de petites unités, à l’instar des recommandations des taoïstes qui devaient suivre en toute chose, les leçons de la nature, afin d’en respecter les équilibres. Par exemple, la nature ne donne aucunement l’exemple de spécialisation, comme l’urbanisme délirant, les cultures et les élevages intensifs, la concentration de zones de travail, de dortoirs, de magasins… Une spécialisation qui permet d’accumuler des profits, mais génère une ségrégation sociale cause de frustrations, de revendications, de révoltes et de guerres.
L’idéologie patriarcale en imposant au masculin d’être dominant, comme il a imposé au féminin d’être soumis, a faussé tous les rapports humains, et le premier, l’amour entre deux êtres. L’amour n’est devenu, dans les sociétés patriarcales, que l’instrument de l’assise de la lignée du mâle. Le déséquilibre artificiel entre les deux moitiés de l’humain ne pouvait qu’amener le déséquilibre de l’humanité tout entière, une humanité en pleine névrose.
« Le monde patriarcal a pris ses assises non seulement sur l’écrasement de la femme, mais aussi sur un véritable dressage de l’homme, qui a dû se séparer toujours plus de ses composantes féminines, sensibilité, intuition, compassion, spontanéité, pour tenter de devenir ce guerrier, ce chef sans peur et sans reproche de la "deuxième histoire" de l’humanité. » « Alors que la femme, exclue des rôles sociaux majeurs (intellectuels, politiques, religieux) a été transformée en "corps sans âme", caricaturale machine à séduire et à engendrer, l’homme rivé au rôle épuisant de chef sempiternel est devenu une non moins caricaturale machine à dominer et à vaincre en toutes occasions. » Françoise Gange, op.cit. Enfin, est-il utile de rappeler qu’avec l’avènement de la dictature de la Marchandise et de la propagande publicitaire, le corps de la femme, libéré par l’évolution des mœurs et la loi, est à nouveau transformé en objet ?
« Le corps dévoilé, offert, instrumentalisé des femmes est à l’exact contrepoids de leur durable absence sociale et politique. La surreprésentation du corps féminin manifeste de façon violente l’organisation de son éviction du corps politique. » Marie-Joseph Bertini, Cachez ce sein que je ne saurais voir. Selon Frédéric Lenoir, rédacteur en chef du Monde des religions, le divin se serait déjà féminisé, du moins chez les catholiques, avec l’importance prise par le culte marial : l’Immaculée Conception en 1854 et celui de l’Assomption de la Vierge qui date de 1950. On assisterait également à « un effacement de la figure personnelle et
paternelle de Dieu, pour une autre plus impersonnelle et maternelle : celle du destin ». L’Occidental serait prêt à croire plutôt à une énergie divine qui régit l’univers et donc nos vies, d’une manière que nous ne pouvons comprendre. C’est pourquoi sans doute, nous sommes de plus en plus nombreux à nous intéresser au bouddhisme et au taoïsme.
Dans Sexe et Caractère, Otto Weininger (1880-1903), montre qu’en chaque être existent une part de masculin et une part de féminin, et que le refoulement de la part de l’autre est une cause de perturbation psychique, alors qu’assumer sa part de l’autre, permet de parfaites vibrations et crée donc l’harmonie.
Le seul avenir de l'homme [de l’humanité et non de l’homme en tant que mâle], c'est la femme. Cela semble une gageure ; de toute façon ce sera long et non sans heurts, bien sur, mais partout où c’est possible, en douceur mais fermement, les femmes devront participer pleinement au pouvoir. L’être humain doit changer totalement sa façon de gérer son espèce et la terre sur laquelle il vit, sinon il va à sa perte. Déjà pour André Breton, dans Le manifeste du surréalisme, il était urgent de « féminiser » la société pour la rendre moins violente et moins portée sur la guerre.
Dans les pays démocratiques, les partis ou certaines entreprises, tentent de faire une place plus importante au féminin, mais cela consiste souvent à donner aux femmes le même rôle qu’aux hommes, à les inciter à montrer la même capacité à entrer en compétition, à faire preuve d’esprit de conquête. Alors que le principe féminin, qu’il est urgent de réintégrer dans l’esprit des décideurs, est cette composante féminine de conciliation, de responsabilité et d’organisation sociale qui a été démonisée et refoulée depuis cinq mille ans. Rappelons également que certains membres du MLF (Mouvement de libération des femmes) se sont vite demandées si dans la prétendue révolution sexuelle, elles n’ont pas été les dindons de la farce, en leur demandant de copier la mentalité masculine. Sous prétexte qu’elles se sentaient libérée, il fallait qu’elles se conduisent comme les hommes, sinon elles était considérée comme des refoulées sexuelles ! Dans une interview radiophonique, Frank Zappa avouait que cette période était géniale parce qu’« elle a permis de se taper plein de filles ». Cette libération n’a malheureusement pas véritablement permis d’inventer de nouveaux rapports humains.
« À l’évidence, le progrès ne consiste pas à mettre sur pied un pouvoir "mixte", intégrant des femmes qui agiraient et penseraient comme les hommes, mais bien à permettre à l’autre moitié de nous-même de s’exprimer. » « L’humanité, réconciliée avec ses deux moitiés, masculine et féminine, doit pouvoir avancer vers un nouvel âge du monde, dans le sens d’une sacralité retrouvée. » Françoise Gange, Avant les Dieux, la Mère universelle (Les Dieux menteurs).
Les femmes doivent reprendre en main les affaires de l’humanité et faire les choix inverses, un changement à cent-quatre-vingts degrés. Ce qui est urgent, c’est un changement radical de religion, puisque l’on a vu que la croyance aveugle au Progrès et en la science pour résoudre tous nos problèmes était issue du judéo-christianisme et de son avatar, les Lumières. Comme la physique des quanta, l’écologie révèle que toutes les choses sont reliées entre elles ; par exemple l’homme ne pourrait vivre sans les bactéries, que nous considérons pourtant comme une forme de vie inférieure ! L’écologie, doit donc être prioritaire en tout, et en cela devenir la nouvelle « religion » ; une religion laïque, qui « relie » tous les hommes sur la planète, puisqu’ils sont tous exactement concernés de la même manière. « Une terre complètement désacralisée avec ses naufragés de l’absurde ne semble guère un lieu propice pour l’édification des libertés humaines ». Michel Fleury, ibid.
Les femmes doivent ré-instaurer la solidarité entre les mères autour des enfants et pour les nouvelles générations. Ré-instaurer également le sens des responsabilités inhérent à la mère et qui, le plus souvent, fait défaut au père. Entraide et responsabilité, sont les bases de la seule structure sociale valable. Une structure locale, où chacun se connaît ; à la différence de « liberté, égalité, fraternité » ou « solidarité », des mots menteurs entendus au niveau global, c’est à dire uniquement au plan étatique, et dont personne, en fait, ne se sent responsable.
Le sentiment maternel est le seul sentiment susceptible d’être exempt d’hypocrisie, d’égoïsme, de calcul ou de duplicité, et donc capable de faire régner la justice. Les banlieues sinistrées sont de véritables poudrières entretenues depuis de longues années par la démagogie des hommes politiques. Les seules qui y voient clair, et sur qui tout repose, le travail, l’éducation de nombreux enfants, l’entretien de la maison, ce sont les femmes. Chaque jour, à grand peine, elles tissent de précaires liens sociaux qui risquent pourtant de se déchirer à tout instant par l’inconscience de jeunes mâles en rut, gonflés de frustrations, et à qui la religion a donné le pouvoir. Dans ces quartiers, les hommes vivent totalement en irresponsables ; seules les femmes, si elles étaient soutenues par les élus, la justice et la police arriveraient à changer les choses, mais elles ne sont pas écoutées. Toutes les femmes, qui en ont la possibilité et les moyens, devraient aller les aider à « tirer la
manche des politiques ». C’est aux femmes des cités que devrait aller l’argent des subventions au lieu que celles-ci soient saupoudrées à des quantités d’associations prétendument socioculturelles, d’une incompétence et d’une inefficacité évidentes, souvent même, complices de trafics en tous genres . Tout ce que les hommes ont inventé craque de partout parce que leur pouvoir n’est pas naturel. Ils n’ont jamais compris comment marchait une société. En tout temps, ils n’ont fait qu’abuser du pouvoir qu’ils avaient volé, pour laisser libre
cours au seul sentiment qui les anime : la volonté de puissance, en fait, l’instinct premier du mâle, l’instinct de domination, dont la seule finalité est l’acte sexuel. « Il est certain que la féminité a un rôle particulier à jouer dans l’évolution des mœurs : on peut penser que les résidus de barbarie qui marquent encore notre temps ne cèderont que par une action vigoureuse et concertée des femmes contre leur exclusion, le maintien en tutelle, l’intolérance, l’idéologie, le fanatisme, la brutalité, le goût pour la violence et la guerre. Le monde sera en paix quand la domination cessera d’être le désir premier des hommes. Au sens des mâles… » Robert Blanchard, Paradis introuvables (page 212, vol 1). La femme n’a pas à chercher à devenir l’égale de l’homme, elle doit s’appartenir et se libérer de l’image que le patriarcat depuis dix mille ans lui a imposée. Il n’y aura pas de société nouvelle sans cette révolution, Qui nécessite que l’homme accepte enfin sa part féminine. Entre le monde de la déesse, c’est-à-dire une société matriarcale, en parfaite adéquation avec le respect de la nature, mais statique, sans évolution notable, et le monde patriarcal absolu que nous connaissons depuis plus de sept mille ans, certes dynamique et de progrès, mais générant par ce fait même, souffrances, guerres et destruction de toute biodiversité, nous avons toutes les raisons de rester perplexe. Plutôt que de continuer nos dialogues de sourds, il serait temps d’imaginer enfin, un rapprochement des deux systèmes, en prenant ce qu’il y a de bon dans chacun d’eux afin que s’équilibre le yin et le yang. Enfin, cette frénésie des religions à inciter ses fidèles à se multiplier de façon illogique, est dangereuse pour la planète. Le développement de la contraception est à l’évidence une chance de survie pour l’humanité, en plus bien sûr, de la possibilité pour la femme d’être réellement libre de choisir ou non d’avoir un enfant, de devenir enfin un « être » à part entière, et non plus seulement « le ventre », l’instrument, du mâle. « Je suis femme. Dieu ne m’aime pas. Il préfère la plainte de l’homme
qui crie et ne le sait pas, de l’homme fidèle au message céleste de multiplier la vie et la mort. Dieu n’aime pas que j’entende le mâle qui tue le mâle qui meurt le mâle qui croit, coq dément, en variant son cri faire varier les aurores. » Maria Luisa Belleli (1909). Ce Dieu-là est déjà arrivé au bout de son œuvre destructrice de démiurge. L’arrêter, revenir en arrière est une gageure, il est déjà trop tard. Cette humanité doit assumer son karma, la conséquence, durant des millénaires, de l’usurpation du pouvoir par le mâle. [Retour sommaire][Accueil][Haut de page][Les livres][L'auteur][Contact] |